Portrait d’artiste : Louise Bourgeois

Le 27/04/2009

La vieille dame tient une bite sous le bras, une très grosse bite ! Un sourire narquois éclaire son visage ridé, c’est Louise Bourgeois et cette image de Robert Mapplethorpe de 1982, résume tout l’esprit de cette artiste hors norme.

Une vie

Louise Bourgeois est née en 1911 à Paris. Elle travaille dans l`entreprise paternelle de restauration de tapisseries à Choisy-le-Roi, avant d’étudier les mathématiques et la philosophie à la Sorbonne, tout en fréquentant plus ou moins assidûment l’École du Louvre, l’École des Beaux-Arts et l’atelier Bissière. Elle étudiera même aux cours de Fernand Léger qui, impressionné par son talent, lui enseigne l’art gratuitement. A l’âge de 26 ans, elle rencontre Robert Goldwater, un professeur d’histoire américain, de six ans son aîné. Ils se marient, et s’installeront à New York en 1938. Elle y est toujours ! Pendant la guerre, elle fréquente les réfugiés avant-gardistes, notamment André Breton, Marcel Duchamp, Joan Miro et Yves Tanguy. Dès 1943, elle participe à une exposition collective The Arts in Therapy, qui prône l’utilisation de l’art comme méthode de réadaptation des prisonniers de guerre. Sa première exposition solo de peintures aura lieu en 1945.

L’importance de la relation à l’autre

Ses thèmes de prédilection, l’enfance, la sexualité et le corps, s’expriment à travers le dessin, la gravure, l’écriture et la sculpture. La relation avec l’autre est un élément fondamental de son travail. Cette relation peut s’exprimer par l’évocation du couple, de l’acte sexuel ou de la relation mère-enfant. L’oeuvre d’art est pour Louise Bourgeois un moyen d’exploration intérieure. Une inlassable interrogation sur l’identité sexuelle des êtres. Réactions aux émotions, aux souvenirs, à la difficulté d’être. Elle exprime la naissance, la souffrance, le viol ou le plaisir dans ses figures, insistant sur la relation entre les êtres. Mais une figure, celle de l’homme, surtout celle de son père, est au centre de son œuvre : « J’avais un père très macho. Après les repas de famille, il était d’usage en France de chanter des chansons (...). Mon père, lui, faisait quelque chose qu’il trouvait très drôle, il se moquait de sa fille. Il prenait une orange et dessinait sur la peau un personnage avec un rasoir. D’abord la tête, puis le corps. La poitrine très grosse. Puis, il pelait la peau de l’orange de telle sorte qu’apparaisse quelque chose de proéminent et de définitivement masculin entre les jambes. C’était supposé être mon portrait. Et il disait à la compagnie : vous voyez, j’ai essayé de faire le portrait de ma fille, mais à ma grande surprise, cette jolie chose montre que ce n’est pas ma fille. Toute la salle éclatait de rire, et j’étais morte de honte."

Reconstruire le passé pour l’exorciser

Enfant, Louise Bourgeois découvre que sa préceptrice est la maîtresse de son père : "(Les artistes) veulent peut-être reconstruire une partie du passé pour l’exorciser (...). (Sadie, la maîtresse) est arrivée dans la famille comme préceptrice, mais elle couchait avec mon père, et elle est restée 10 ans. A présent, vous allez me demander, comment se fait-il que, dans une famille de la classe moyenne, une maîtresse ait été une chose aussi banale qu’un meuble ? Eh bien la raison c’est que ma mère tolérait ça et c’est un mystère. Pourquoi l’a-t-elle fait ? Alors quel rôle est-ce que je joue ? Je suis un pion. Sadie est prétendument mon professeur mais en réalité, toi, ma mère, tu m’utilises pour suivre ton mari à la trace (...). Chaque jour, il faut renoncer au passé ou l’accepter, et si on n’arrive pas à l’accepter, alors on devient sculpteur."

Tuer le père

A la fin des années 1970, une de ses œuvres s’appelle : Destruction of the Father, un nom suffisamment évocateur, comme une énorme et odieuse bouche de 2m50 sur 3m faite de plâtre, tissus, latex, bois et tissu… Avec The Banquet, une performance où elle affuble les participants de "vêtements" en plastique transparent arborant d’incroyables symboles sexuels, et leur fait simuler un défilé de mode, Louise Bourgeois entreprend ainsi de ridiculiser toutes les figures du père. « Voyez-vous l’art comme un monde d’hommes ?- Louise Bourgeois : Oui, c’est un monde où les hommes et les femmes essaient de satisfaire le pouvoir des hommes.- Pensez-vous qu’il y a un style particulier ou une part de style qui soit propre aux femmes ?- Louise Bourgeois : Pas encore. Avant que cela se produise, les femmes devront avoir oublié leur désir de satisfaire la structure du pouvoir mâle ". (Questionnaire d’Alexis Rafael Krasolowsky, février 1971).

Sculpteur

Avant tout sculpteur, elle a fait des sculptures en balsa avec des figures prises dans un cadre. Puis elle est passée au travail du marbre, du plâtre, le tissu, mais aussi des matières plus inhabituelles dans l’art du milieu de 20ème siècle comme le latex, béton, le caoutchouc ou la broderie (« J’ai toujours éprouvé une fascination pour l’aiguille et son pouvoir magique. L’aiguille sert à réparer les dommages. Elle est une demande de pardon »). Et enfin à ces installations complexes, très denses, qui ressemblent à des chambres de torture. Intitulées Cells depuis 1991 et Red Rooms dès 1995, elles suggèrent l’enfermement, la claustrophobie, la violence ou l’intimité. Remix des temps moderne : il est impossible chez Louise Bourgeois de distinguer un développement chronologique, car elle reprend des dessins à 40 ans d’intervalle lorsqu’ils évoquent une situation qui la touche. Autres thèmes de prédilection : La Fée couturière, la mère supposée protectrice, déclinée plus tard en Araignées, comme Maman, une énorme araignée d’acier et marbre installée dans le hall central de la Tate Modern de Londres en 2000. Autres œuvres à fortes connotations sexuelles comme Janus fleuri, ou Fillette, c’est le titre de son œuvre, la grosse bite, qu’elle porte sous le bras de la fameuse photographie de Robert Mapplethorpe ! Mais là aussi, comme beaucoup d’œuvres de Louise Bourgeois, on ne peut clairement attribuer au genre « masculin » ou « féminin » à ce grand phallus en latex, qui développe des formes phalliques aussi bien que des rondeurs bien féminine !

Louise Bourgeois est représentée dans de nombreuses galeries. Les principales : Cheim & Read à New York, la Galerie Karsten Greve, Cologne et Paris. Galerie Hauser & Wirth, Zurich.

[gris]Patrick Rémy[/gris]

Commentaires (1)

  • vhDVvbzAxbgBQ

    QDRORW AFAIC that’s the best asnewr so far !