Fruits sucrés, cocktails glacés, peaux salées, l’heure estivale est aux plaisirs des papilles. La chaleur et l’insouciance aidant, nous voilà bouches accortes et lèvres offertes, prêtes à donner et recevoir une pluie de baisers.
Le baiser serait né de la becquée, pratique ancestrale des mères mastiquant la nourriture, la glissant ensuite dans la bouche de leur petit. Chimpanzés et bonobos ont toujours été également adeptes du baiser, surtout pour faire la paix. Les hommes prodiguent à leur tour d’heureuses vertus à cette pression sonore des lèvres (bruit qui expliquerait peut-être l’étymologie latine, basium) : baiser magique de la maîtresse sur un bobo enfantin, baiser pieux sur une icône, baiser guérisseur du roi aux lépreux, ou encore baiser source de vie, du prince à la belle endormie. Démonstration éminemment culturelle en tous cas, que l’on pratique autant avec des intimes que des inconnus que l’on salue.
Pourtant le français moderne ne rend pas compte de toutes ces nuances, proposant les pâles bises, bisous et bécots assortis d’un seul verbe, embrasser, qui désigne le geste d’entourer du bras accompagnant presque toujours le dit baiser. Impropriété qui ménage la pudeur depuis le XVIè siècle, lorsque le verbe baiser (celui du baisemain) a pris un second sens, faire l’amour, concurrençant l’embrassade. Cette dérive du bisou vers l’acte sexuel, en français, témoigne de l’érotisme de ce geste buccal et de notre identité nationale portée sur ce french kiss qui délie cette fois notre langue, rouleuse argotique de patins, de palots, de gommes, de galoches, de gamelles et autres pelles.