Le 69 révolutionnaire

Le 23/02/2018

Il n’est pas nécessaire d’être la tête entre les jambes de son partenaire tout en le laissant - tête bêche - opérer d’un même rapport buccal, pour savoir à quoi correspond le chiffre 69. Bien avant de savoir à quoi cela correspond, les enfants eux-mêmes savent que c’est grivois et drôle. Ce que l’on sait moins, c’est l’origine de l’expression, inventée par une Française, révolutionnaire à plus d’un titre.

Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt est un bourgeoise du XVIIIe siècle, partie de chez son père à l’âge de 13 ans, pour aller vivre des aventures multiples un peu partout en Europe. Elle portait la cravache, le sabre et le pistolet, et s’est engagée corps et âme dans la Révolution Française, participant à la prise de la Bastille, marchant en tête du cortège vers Versailles réclamer du pain.
Artiste, courtisane, politique, celle que l’on nommait « La belle Liégeoise » ou « l’Amazone rouge » est aussi l’auteure du « Catéchisme libertin à l’usage des filles de joie et des jeunes demoiselles qui se destinent à embrasser cette profession », livre dans lequel apparait pour la première fois le terme de « 69 », qui a depuis fait le tour du monde.
Elle a disparu de la scène publique lorsque - déjà amère d’une révolution qu’elle considérait ratée - une querelle a eu lieu entre Girondins et Jacobins à l’Assemblée Nationale, qui lui a valu d’être dénudée et humiliée par un groupe de femmes la fessant publiquement. Elle échappa à la guillotine placée à l’asile par son frère, où elle vécue nue jusqu’à sa mort. Celle qui a inspiré « Les fleurs du mal  » à Baudelaire apparait seins nus dans le célèbre tableau de Delacroix, « La liberté guidant le peuple  ».
Il y a quelque chose de délicieux à se dire que celle qui a donné un nom à la plus connue des positions sexuelles affranchies, est celle qui symbolise la révolution et la liberté, tout comme il y a quelque chose de déconcertant dans la solitude des vrais révolutionnaires.

Dans la Chine ancienne, le symbole du Yin et du Yang vantait déjà la perfection de cet équilibre. Le Kamasutra, qui désigne la position sous le nom de « Congrès du corbeau », a choisi cet animal solaire, car cette forme d’union possèderait un feu puissant et permettrait à chacun d’avoir le « feu » de l’autre. Aucune obligation n’est faite bien sûr à vouloir ce feu, à partager cette intimité intégrale. Mais il est toujours bon de savoir que la révolution et la liberté sont à jamais liées à cette position, ce qui sans doute n’est pas anodin …