la pénétration des mots

Le 24/02/2013

Tous les adultes ont besoin d’un langage pour nommer l’innommable, et le point commun dans toutes les cultures est le recours a la métaphore. Le registre des mots dépend de l’époque et du degré de tolérance de chacun, qui fait qu’un même mot peut être érotique pour les uns et pornographique pour les autres. Un lexicographe américain, Jesse Sheidlower, a récemment publié un livre entier consacré à l’origine du mot "fuck", qui signifie enculer en anglais, et s’emploie aussi bien pour désigner la sodomie que pour insulter quelqu’un. Il date l’origine de ce double sens du XVe siècle germanique. À l’époque, les mots tabous étaient d’un autre registre : était strictement interdit ce qui touchait au vocabulaire religieux, et en France et en Espagne encore plus qu’ailleurs. À la Renaissance, les choses avaient déjà évolué, c’est le mot "bâtard" qui était la pire insulte possible et il y avait grand danger à l’employer. Au 19ème siècle, aux États-Unis, c’est le mot "jambe" qui était jugé parfaitement obscène. Comme quoi nos idées évoluent en permanence, ce qui compte c’est qu’un interdit, quel qu’il soit, demeure.
Le poids de la culture dans chaque pays est tel que certaines femmes polyglottes constatent qu’elles ne font pas l’amour de la même façon selon la langue qu’elles emploient. En anglais, les femmes ont plus facilement recours aux mots crus et demandent de façon assez directe ce qu’elles veulent tandis qu’en japonais, ces mêmes femmes ont constaté que leur voix devenait plus aiguë et leurs pratiques plus volontiers soumises. Il faut donc non seulement trouver le bon mot, mais également la bonne langue, en fonction de la façon dont on veut mener ses ébats !

Commentaires (1)

  • Mimi

    La sexualité féminine reste encore du domaine de l’innommable, surtout du côté du corps médical. Je suis frappée de constater que le médecin, à chaque visite, ne manque pas d’interroger mon compagnon sur sa sexualité (ça va de ce côté-là ?) alors qu’une telle question ne m’a jamais été posée. De même, si l’on évoque volontiers "la petite érection du matin" comme un signe de bonne santé masculine, il n’y a pas de mots pour désigner l’équivalent chez la femme, et je me réveille tous les matins (sauf état de fatigue prononcé) avec une douleur bien caractéristique dans la région pelvienne. J’ai la trique, en somme ! Mais quand j’ai voulu demander à ma gynéco si c’était "normal"... silence gêné ! Les filles, il y a encore du boulot !