Six heures du matin

Le 16/11/2009

Six heures du matin.

       Je descends de la voiture, et entame à pieds le court chemin qui me ramène chez moi. Je me sens bien, j’ai dansé, un peu bu, et énormément ri avec mes amies. Le seul point noir de la soirée est que je n’ai pas, malgré tous mes efforts, rencontré l’homme de ma vie. Cette pensée me fait sourire, tellement elle m’est familière. Les rues sont désertes. Je me concentre sur le bruit rassurant des talon de mes escarpins qui martèlent le sol à chaque pas. Il fait un peu froid, le mois de novembre commence à s’installer doucement. Je relève le col de mon long manteau noir, qui ne couvre qu’une robe légère, tenue correcte exigée. Je hume l’air frais, et me parviennent des senteurs de pain chaud et de viennoiseries, émanant d’une boulangerie qui ne va pas tarder à ouvrir ses portes.

    A l’approche de la rue dans laquelle je vis, des éclats de voix, des rires, de la musique. C’est habituel : deux boîtes de nuits contribuent chaque nuit à animer le quartier, toute l’année durant. Je tourne à l’angle, passe devant le snack, et salue d’un signe de tête les videurs, qui sont de sympathiques voisins, en quelque sorte. Je cherche ma clé un instant, puis la glisse dans la serrure.

       Je pousse la porte pour entrer dans l’immeuble, quand j’entends quelqu’un crier mon prénom. C’est Alex, un ami, qui sort de boîte, justement. Il est passablement éméché, et me détaille avec une concupiscence non feinte. C’est sa façon à lui d’exprimer son désir de moi, il est comme ça, très franc, très direct, et cela me plait. Cependant, il ne s’est jamais rien passé entre nous, je sais que ça n’est pas le moment, et je le lui ai dit. Il me propose de boire quelque chose au snack, histoire de prendre le temps de discuter un peu. Je n’ai pas encore sommeil, et j’accepte donc.

    Alors que nous passons la commande, je sens qu’on me regarde avec insistance. Je me tourne, et juste derrière nous, un groupe de trois hommes, qui s’avancent et entament une conversation avec Alex. L’un d’eux n’y participe pas : il m’observe, et je ne peux m’empêcher de remarquer ses yeux, d’une couleur improbable, située entre le gris, le vert et le bleu, sans que je puisse en déterminer la composition exacte. Je lui souris, et lui tends la main. Je me présente, et il fait de même. Nous en restons là, et nous parlons tous ensemble de la vie dans cette ville, et des sorties possibles et prévues.

    Les boissons et les sandwichs une fois prêts, Alex et moi nous écartons un peu du groupe pour parler plus à notre aise. Il réitère sa proposition de passer un moment tous les deux. Je la décline en souriant, et nous plaisantons ensemble de la situation. Il sait en rire, et c’est appréciable. Il insiste gentiment, me lançant un « Bon, allez, on y va ? » qui me fait rougir considérablement. Lorsque je lève les yeux, je constate que le jeune homme qui m’a dit s’appeler Paco n’a pas perdu une miette de notre conversation. Il me sourit, et demande à Alex s’il a bien compris la teneur de ses propos.

    « - Oui oui, tu as bien compris, je lui demandais si je pouvais monter chez elle ce soir, c’est juste à côté. Mais, tu sais, je lui en ai déjà dit de belles à Lili, elle s’attend à tout avec moi ! Raconte-lui, Lili, la drôle de déclaration que je t’ai faite le soir où je t’ai rencontrée ! »

    Je murmure, un peu gênée, qu’effectivement, ce soir-là, alors que j’étais lancée dans un long discours sur la communication entre les hommes et les femmes et leur manque de sincérité, Alex m’a coupée dans mon élan, m’avouant qu’il avait tout à coup une envie folle de passer sa langue entre mes cuisses pendant de longues minutes. Il éclate de rire à l’évocation de ce souvenir, mais Paco, lui, se contente de m’examiner avec intensité. Je me sens mise à nu, et très intimidée. Et soudain :

    « - En même temps, je le comprends, moi-même, depuis que je t’ai vue, j’ai très envie de toi. Au point que si tu me le demandais, je te ferais l’amour, là, tout de suite, et devant tout le monde. »

    Mon embarras n’a d’égal que le trouble que ces mots provoquent en moi. Il me dévisage avec un air de défi, et je lis avec stupeur dans ses yeux que non seulement il en a réellement envie, mais surtout, qu’il en serait capable ! Je reste muette, et Alex mesure l’ampleur de ce à quoi il vient d’assister. Il me prend dans ses bras rapidement, et me glisse à l’oreille :

    « - Je vous laisse un peu d’intimité tous les deux, apparemment vous avez des choses à vous dire. Sans rancune ! »

    Alors qu’il s’éloigne d’un pas tranquille, Alex s’approche de moi, et joue du bout des doigts avec les boucles de mes cheveux. Je ne dis pas un mot, mais ce premier contact, si léger, crée en moi un mélange d’émotions aussi diverses que violentes. Son corps est maintenant contre le mien, il se tient derrière moi, et chuchote à mon oreille un « Suis-moi ! » qui n’admet aucun refus. Il prend ma main, et je le laisse m’emmener dans le petit renfoncement d’une porte cochère, à deux pas de la foule. Des gens passent à moins d’un mètre de nous, mais dans la folie de l’instant, il me semble que cet abri providentiel est le lieu le plus secret qui soit. A aucun moment je ne réalise qu’il ne nous suffirait que de monter quelques étages pour accéder à mon appartement et nous retrouver fin seuls.

    Je m’appuie contre une porte, cherchant tout de même le recoin le plus sombre. Il est maintenant face à moi, et, le visage dans mon cou, il respire mes cheveux. Il cherche à déboutonner mon manteau, y parvient, et je sens enfin son souffle sur ma peau. Il porte lui aussi un manteau assez long, et noir, qui nous permet de dissimuler nos agissements aux regards inopportuns. Il embrasse mes épaules, mes joues, mes yeux, mes lèvres, et caresse mes reins et mes hanches à travers ma robe. Il n’est pas très grand, mais je sens la puissance qui émane de son corps alors qu’il me presse contre le mur. Son étreinte se fait plus précise, ses mains atteignent le bas de ma robe, et découvrent avec un grand intérêt le velouté de mes bas de soie, puis celui de ma peau nue. Je ne peux réprimer un long frémissement qui l’encourage à poursuivre plus avant ses investigations, et il glisse alors ses doigts sous mon petit string en dentelle. Lorsqu’il touche mon sexe, et le découvre humide, nous poussons ensemble le même soupir de satisfaction. Il effleure mon clitoris, puis s’insinue en moi sans autre préavis. Je sens monter en moi un irrépressible frisson, tandis que ses mouvements se font plus rapides. Un premier orgasme me foudroie et me coupe les jambes. Contre ma hanche, je sens sa queue, longue, et dure, qui palpite. Je la libère, et la prends dans ma main, avant de lui murmurer « Viens, viens en moi, baise-moi !  ». Il saisit un de mes jambes pour me rendre plus accessible, et me pénètre avec force. Emportée par le plaisir, je n’ai que le temps d’apercevoir un homme, appuyé contre un mur en face de notre alcôve improvisée, qui nous observe. Le spectacle que je lui offre, acculée ainsi contre une porte, subissant les assauts d’un homme que je ne connais pas, ajouté à la rumeur de la ville, provoque en moi un orgasme d’une intensité rare. Je perds tout contrôle de moi-même, de mes sens, je gémis, mes ongles griffent sa peau, ses vêtements, le crépi du mur, je m’agrippe à son visage en l’embrassant pour que ses lèvres étouffent le cri inextinguible qui grandit dans ma gorge, et je l’entends tenter de contenir une plainte tandis qu’il jouit au fond de mon ventre.

    Nous restons comme ça, un petit moment, tremblants et un peu étourdis, accrochés l’un à l’autre. Je sens son sexe, qui me remplissait totalement tout à l’heure, s’estomper dans le mien. Il me dit « Je pourrais rester comme ça des heures ». Je caresse ses cheveux, nos lèvres se retrouvent, et nous reprenons peu à peu nos esprits. Je constate que le voyeur s’est éclipsé aussi discrètement qu’il était venu nous épier. Je suis étonnée que personne d’autre ne nous ait surpris, le vacarme de la rue a dû sans doute atténuer celui de nos ébats. Mon compagnon d’un instant se recule un peu, pour me laisser remettre un peu d’ordre à ma tenue. Je réajuste mes vêtements, lui les siens, et nous nous éevisageons en silence, un petit sourire au coin des lèvres.

        Je l’embrasse une dernière fois. Et je cours à mon appartement, sans lui laisser le temps de me dire que, peut-être, il voudrait me revoir...

[gris]Lili-Snail[/gris]

Commentaires (1)

  • Eliette

    On peut se reconnaitre un peu dans cette histoire là. Pas mal.