L’épicerie

Le 12/04/2009

- Faut que j’aille acheter des clopes. Les yeux sombres de Zouïr restaient fixés sur la route. Il conduisait vite. Dans les ronds-points, ses pneus crissaient sur le bitume. Elisabeth protesta par un soupir qu’il ne releva pas. Ce soir, elle lui trouvait vraiment un air bizarre, limite inquiétant. Ce contretemps qu’il lui imposait l’irritait. Elle était pressée de rentrer à la maison. Mais, par peur d’une scène, par fatigue aussi, la jeune femme renonça à toute provocation verbale, et, s’enfonçant dans son siège en cuir, entama une ostensible bouderie. Par expérience elle savait que dans un couple, et surtout dans un couple débutant, il faut savoir maîtriser ses nerfs.

Les rues de Toulouse étaient désertes. Une pluie fine tachetait par intermittence le pare-brise de la BM, et le ronronnement des essuie-glaces rompait seul le pénible silence qui s’était instauré dans l’habitacle. Ils arrivèrent enfin dans une ruelle mal éclairée de la vieille ville au fond de laquelle brillait péniblement un panneau blafard portant sur son fond blanc cette inscription en lettres rouges : EPICERIE. Zouïr se gara sur le mince trottoir qui bordait l’échoppe.

- Ils vendent des clopes là-dedans, t’es sûr ? Le garçon ne répondit pas. Il aida Elisabeth à descendre, puis lui ouvrit la porte de la boutique. Des enceintes posées de part et d’autre du comptoir diffusaient de la musique arabe. Une jeune maghrébine se tenait derrière la caisse. Elle sourit à Zouïr quand elle le vit entrer.

Le magasin était de taille moyenne, et plus profond qu’Elisabeth ne l’avait supposé en observant rapidement sa façade exiguë et crasseuse. A l’intérieur tout était propre et bien rangé. D’emblée elle ressentit quelque chose d’étrange, d’inhabituel, d’impalpable ; comme une atmosphère ambiguë qui remuait en elle des impressions enfouies, de vagues idées qu’elle n’aurait su clairement définir. La jeune maghrébine l’observait comme elle-même regardait ses seins tendus sous sa robe, ses bras dénudés, les boucles de ses oreilles dont l’or, par contraste, accentuait la matité de sa peau. Et Elisabeth éprouva soudain une sensation délicieuse de vulnérabilité et de soumission. Zouïr paya les cigarettes (l’épicerie faisait effectivement tabac). Puis, d’une voix rauque et sans appel, prononça ces mots :
- Maintenant on va aller en bas. Laisse-toi faire.

Elisabeth ne protesta pas. Comment protester ? Pourquoi protester ? Déjà la belle caissière l’avait prise par la main et elle la conduisait vers le fond de la boutique. Ils descendirent un escalier. Les talons d’Elisabeth glissaient sur les marches étroites et, pour ne pas tomber, elle appuyait ses mains tremblantes contre les murs qui se rétrécissaient. Enfin ils arrivèrent au sous-sol. Une porte s’ouvrit qui donnait sur une pièce nue et glacée. Deux hommes s’y tenaient debout. Deux très grands noirs, jeunes, musclés comme des dieux et silencieux comme des statues de cire. Alors Elisabeth sentit les doigts de Zouïr lui ôter sa robe. Et, d’instinct, sans rien comprendre à ce qui lui arrivait ni à ce qu’elle faisait, elle s’avança vers les deux éphèbes. Elle embrassa leurs lèvres épaisses. Puis sa langue se mit à lécher leurs peaux. D’immenses mains parcouraient son petit corps mince et fragile, pinçaient ses seins, caressaient ses cuisses.

Brutalement, sa culotte de satin fut arrachée. Elisabeth tourna ses yeux vers Zouïr. En compagnie de la jeune maghrébine qui arborait toujours un large sourire, il la regardait se livrer aux deux inconnus en fumant une cigarette. On la plaqua contre la muraille. La fraîcheur de la cave pénétra sa peau. Maintenant une main brûlante remontait de ses genoux jusqu’à son sexe. Malgré ses efforts, malgré sa morale, Elisabeth ne pouvait s’empêcher de mouiller, de gémir, de se contorsionner. Deux doigts s’enfoncèrent dans la moiteur de sa chatte, la fouillant sans ménagement, et bientôt, le long de ses jambes, s’épanchèrent deux rigoles de rosée. Machinalement, elle chercha le sexe de l’homme qui l’excitait ainsi et se mit à le masturber avec délices. Ses yeux restaient toutefois fixés sur ceux de son compagnon. Elle s’abandonnait aux deux mâles puisqu’il les lui offrait… Ayant enfilé un préservatif l’un des blacks la pénètra alors. D’une dimension inouïe sa belle queue la remplit tout entière, allant et venant avec une puissance qui s’intensifiait graduellement, suscitant dans tout son corps des tiraillements de jouissance.

Elle haletait et gémissait, se mordait les lèvres, griffait le mur en pleurant, n’en pouvant déjà plus. Mais la main de son baiseur attrapa ses cheveux, et, tout en continuant de la fourrager, il la fit pivoter vers son camarade. Pour gober l’énorme verge que ce dernier lui tendait Elisabeth se pencha en avant en usant de sa gracieuse souplesse d’ex-danseuse classique. Désormais elle s’oubliait complètement, avec une confiance totale, un plaisir total, consciente que ce qu’on lui faisait était un cadeau, un acte d’amour. Aussi sa bouche gourmande suça-t-elle le sexe offert sans modération pendant que, par derrière, l’autre queue continuait de la limer savoureusement. Son corps n’était plus que sécrétions, que sueur et cyprine, et elle nageait dans l’odeur, dans la chaleur et dans la force de ses deux partenaires qui lui souriaient. Soudain un spasme la terrassa. Elle eut l’impression que son ventre explosait. Puis elle jeta un cri.

Une minute après, elle se trouvait accroupie par terre, et prise par le cul et le con. Ce qu’elle ressentait était indescriptible, incroyable. Mieux que tout ce qu’elle avait pu connaître ou imaginer. Son frêle bassin oscillait fiévreusement et c’est elle, qui, à son rythme, baisait à présent les deux étalons, allongés sur le dos comme deux esclaves soumis. Cependant sur ses seins, sur ses reins, le long de ses épaules et le long de son cou quatre mains la massaient, la pétrissaient. Quatre mains fermes et fortes qui savaient ce qu’il convient de faire pour contenter la chair sensible d’une femme. Tout en fixant son compagnon, elle patinait son clitoris en recevant ces hommages se délectant autant de ces attouchements démultipliés que de la double pénétration qui malmenait ses entrailles. Lentement un feu se propageait sous sa peau, un feu qui brusquement se transforma en brasier, en volcan. Alors, dans l’épicerie résonna un hurlement sauvage, qui, perçant les murs crasseux, se perdit ensuite dans le dédale des ruelles sombres.

Pendant de longues minutes la jeune femme resta étendue sur le ciment glacé, tremblante et couverte de sueur, tandis que Zouïr caressait amoureusement ses cheveux. Enfin elle put se rhabiller. Ils regagnèrent tous deux la voiture d’un pas chancelant, en se tenant par la main. Elisabeth se sentait métamorphosée. Elle habitait, pensait-elle, un corps neuf, un corps purifié, léger et immortel. Elle avait l’impression de flotter sur son siège et que tout ce qu’elle touchait devenait doux, devenait tendre. La voiture s’arrêta à un stop. Et, dans un élan irrésistible, les yeux noyés de larmes, la jeune femme couvrit de baisers celui qui avait su si bien la comprendre.

Axelle Rose

Commentaires (5)

  • Anonyme

    Cette nouvelle est magnifique, très, très excitante et très bien écrite. Bravo !

  • Anonymette

    Anonyme, tu es une amie d’Axelle, c’est ça ?

  • Pierre Eiffel

    Axelle Rose, ta plume subtile exacerbe nos sens. J’apprécie le style (et mon érection prouve que j’apprécie autre chose.)
    Merci.

  • Michel

    Je suis plus circonspect. Certes le texte est assez bien écrit et excitant, mais le début et la rapidité et la facilité ahurissante avec laquelle elle se laisse faire ne m’a pas semblé crédible.

  • PRiQgvFBxM

    dit :Tu analyses bien le fait que d’apre8s toi, ton nogeurate est tre8s divers, et il te parait alors peu probable qu’il ne refle8te pas la re9alite9. Or, peut-eatre que tu choisis ton nogeurate d’apre8s un simple crite8re : ils sont d’accord avec toi ! Plus je me renforce dans mes convictions et plus j’en apprends sur le conditionnement, plus je m’e9loigne des gens qui seront incapables de se remettre en question, car cette ide9e de genre est centrale e0 nos comportements sociaux et e0 nos relations avec les autres.Quelles que soient leurs origines, leurs formations professionnelles, quel que soit leur niveau d’e9tude ou l’endroit of9 ils vivent, les personnes formant ton nogeurate ont peut-eatre en commun d’avoir l’intelligence et le recul ne9cessaire pour partager tes convictions et donc vivre plus sereinement ?J’ai rencontre9 il y a peu un groupe de gens (e9tudiants L1 et L2 en Staps) tre8s fortement marque9s par les ste9re9otypes, des gens qui tiennent des discours e0 hurler. Certains e9taient pourtant sympas, drf4les, gentils. Mais malgre9 un inte9reat pour ces qualite9s, je n’ai pas pu passer outre le reste de leur comportement. Et je conclus d’un c’est des cons pe9remptoire et je laisse tomber, et je ne vais plus faire d’efforts pour les voir. Je me construis donc petit e0 petit un nogeurate se9lect.D’autre part, les carcans dans lesquels on veut nous enfermer sont idiots, on le sait. Et une majorite9 de gens ne sont pas comme e7a. Donc en regardant autour de nous, on ne verra que des contre-exemples e0 ces ide9es. Le proble8me aujourd’hui, il me semble, c’est que ces ide9es alimentent uniquement un discours, discours qui lui-meame sert e0 renforcer un e9tat de choses (ine9galite9s salariales, partage des te2ches me9nage8res etc.). Et si les gens agissent diffe9remment, on interpre8te toujours leurs actions e0 travers ce prisme (quand je ne voulais pas de relation se9rieuse et que je couchais e0 droite e0 gauche, un mec m’a soutenu que je le faisais parce que j’avais e-peur de souffrir mais qu’au fond de moi, je cherchais l’amour, m