Circlure, le verbe du vagin

Le 07/11/2020

En 2016, la philosophe et activiste berlinoise Bini Adamczak inventait un mot qui manquait furieusement à notre vocabulaire : "circlure". Que raconte-t-il ?

Formé du préfixe « cir » qui vient du radical latin « circum » (autour) et de « clure », issu du latin « claudere » qui a donné clore en Français, le mot indique l’action du vagin qui entoure le pénis ou le godemiché pendant la pénétration, rappelant la pensée traditionnelle de plusieurs cultures africaines : le pouvoir n’est pas dans le pénis, mais dans le vagin, c’est lui qui avale le pénis et le fait disparaitre dans le rapport hétérosexuel.

Bini Adamczak explique : "Je propose un nouveau mot qui manque depuis trop longtemps. Il s’agit de circlusion. En langage plus vieillot on peut aussi dire circumclusion. La notion de circlusion s’oppose à celle de pénétration. Les deux mots décrivent à peu près le même processus matériel. Mais : d’une perspective opposée. Pénétration signifie introduire ou insérer. Circlusion signifie entourer, enrober ou enfiler par-dessus. Voilà. En utilisant le terme de circlusion, le rapport d’activité et de passivité est inversé. Pénétrer signifie : introduire quelque chose – un brin, une tige ou un bitoniau – dans quelque chose d’autre – un anneau ou un tuyau. Dans cette perspective, ce sont le brin, la tige ou le bitoniau qui sont considérés comme actifs. Circlure signifie : enfiler quelque chose – un anneau ou un tuyau – par-dessus quelque chose d’autre – un brin, une tige ou un bitoniau. Ici, ce sont l’anneau ou le tuyau qui sont actifs. Le mot circlusion nous permet de parler autrement du sexe. Ce mot est nécessaire car cette triste fixette sur la pénétration domine toujours l’imaginaire hétéronormatif et – comme si cela ne suffisait pas – domine aussi l’imaginaire queer. On peut l’observer dans le porno mainstream mais aussi dans le post-porno ou le porno BDSM. Presque sans exception, le gode et le pénis* servent de signe pratique de pouvoir."

Sans le mot, difficile de concevoir la chose. Adamczak, comme Naomi Klein et bien sûr Simone de Beauvoir avant elle, essaie de renverser les stéréotypes judéo-chrétiens et les rapports de pouvoir en donnant des outils aux femmes pour mieux comprendre à quel point leur participation est active dans ce type de rapport sexuel.
Il faudra encore du temps pour que petit à petit les femmes arrivent à effacer les méfaits d’un XIXe si misogyne et castrateur pour la sexualité féminine, mais commencer à prendre conscience que de nouveaux mots émergent, peut aider à mieux concevoir le rôle actif du vagin dans le rapport qu’on ne dira plus avec pénétration, mais avec circlusion.