Avec qui coucher ?

Le 30/10/2018

Aux joies de la liberté sexuelle, de ne pas avoir d’obligations à se marier, d’avoir un arrangement libre ou de faire voler le couple en éclat, il faut ajouter quelques désagréments : avec qui coucher lorsque passé quarante ans, les questions de procréation sont résolues d’une manière ou d’une autre et que la date de fraicheur peut devenir un handicap auprès de certains (tous ceux qui se botoxent en couchant avec des plus jeunes) ?
Deux types de femmes autour de moi profitent de deux types de solutions, diamétralement opposées mais également efficaces.
Celles qui sont bien dans leur peau et très indépendantes financièrement lorgnent toutes dans la même direction : les jeunes hommes, jolis, le temps frais, la vigueur toute entière, et le charme de celui qui se sait encore un peu ignorant, voire maladroit, et voulant apprendre à bien faire (ils feront plus tard d’excellents amants, il faut encourager ce modèle).
Elles les cueillent là où elles passent et c’est épatant.
Les autres, celles qui n’ont pas cette chance économique et psychique et qui sentent leur vie sociale s’effriter sous le poids de leur statut de femmes seules, se tournent vers les sites de rencontre, parce que dans cette période de falsification des apparences et de non-dits dont les réseaux sociaux nous enrobent, c’est encore le seul espace où elles peuvent livrer une vérité : ras-le-bol d’être seules.
Toutes les histoires les plus comiques viennent de Tinder, cette terre où des hommes peuvent même se photographier en flattant leurs doubles mentons et les surfaces adipeuses de leur ventre sans perdre de leur superbe, ils trouvent à tous les coups au moins un coup. Si le site est parfait pour celles qui ont un bon instinct et cherchent une friandise à s’offrir pour un soir (il suffit de regarder les bonbons dans la vitrine et de matcher avec ceux qui font envie), tout devient plus hasardeux pour celles qui cherchent à prolonger de quelques minutes, heures, semaines …
D’autres récits, plus poétiques, viennent de sites de facture plus classique, reposant sur les écrits plus que sur les images pour envelopper l’humain de ce qu’il sait faire de mieux : les mots. On quitte les terres d’un monde plastique pour errer dans un autre où quelques fois apparait une poésie pure qui fait fondre ou excite, même lorsque l’auteur ne répond à aucun canon de beauté, d’intellect, de puissance ou de richesse. Il se passe quelque chose d’indicible qui émeut parce qu’elle a à voir avec la vérité des besoins humains.
Je me souviens de l’histoire d’une femme d’un certain âge qui dialoguait en ligne avec un inconnu à son goût et avait fini par accepter de le rencontrer. Le monsieur très galant était venu la chercher dans une voiture de sport trop basse par rapport à la jupe cigarette qu’elle portait : en s’asseyant dans le véhicule, la jupe avait rendue l’âme et la femme ne pouvait plus se rendre au restaurant. Le cavalier courtois avait fait servir le diner dans la voiture et quelques semaines plus tard ils scellaient leur amour.
Si les modes d’inscription n’étaient si fastidieux, je passerai de longues soirées d’hiver à lire partout ces saines envies de corps qui se collent, se frictionnent, se dissolvent dans un continent d’exaltations, puis s’apaisent mutuellement. Je me régalerais de descriptifs hâtifs, « épicurien cherche l’amour », sarcastiques, « urgent, calvitie naissante », ou passéistes, « pour une relation sérieuse à construire », comme je me régale des segmentations existantes - par comportements sexuels, par passions culturelles, par engagement religieux, par tranches d’âges, etc.
Pour revenir à la question de départ, avec qui coucher après 40 ans ? La réponse est simple, on trouve toujours quand les raisons sont authentiques et que le désir fait pétiller le regard (je suis plus circonspecte quand il est mal formulé, camouflant plus ou moins bien une solitude mal vécue, une autonomie non-désirée). La rue n’est plus le lieu pour les hasards bien nés, #metoo rend les conversations d’inconnus suspicieuses, il faut compter sur la technologie qui remplace avantageusement les marieuses (qui officiaient encore il y a un siècle) avec un catalogue plus vaste et des filtres si pragmatiques qui évitent tous les écueils lorsque la question de l’âge est couchée sur le tapis …



 Illustration : © Louise Bourgeois