Sexologues : les sauveteurs du désir

Le 21/04/2009

« Si un couple ne s’entend pas sur le plan physique, il ne s’entendra pas davantage sur le plan moral ». Virginia Johnson, William Masters. Comme l’affirment ces deux pionniers de la sexothérapie, physique et moral sont intimement liés. Un couple dont la sexualité a du mal à s’épanouir sera immanquablement fragilisé au quotidien. Mais contrairement à ce que nombre de couples imaginent, ce n’est ni une question d’expérience, ni de technique, ni de course à qui mieux-mieux. La plupart du temps une sexualité épanouie repose sur la communication entre les partenaires et la connaissance l’un de l’autre. Et comment se connaître sans se parler ? Si la communication devient difficile voire impossible entre les partenaires, l’issue la plus simple est de faire appel à un sexologue. Mais ce n’est jamais facile de sauter le pas et de dévoiler son intimité physique devant un tiers. S’il s’agit de sauver son couple et de se sauver soi-même, le jeu en vaut pourtant la chandelle. On se méfie de ce qu’on ne connaît pas, alors essayons de faire plus ample connaissance avec les sexologues afin qu’un jour, on puisse franchir leur porte en cas de panne de désir, aussi facilement qu’on se rend chez le dentiste quand on a une carie.

Motifs de consultation

Les séances chez un sexologue diffèrent selon les motifs de consultation. Au départ le sexologue privilégie la parole et se renseigne sur le couple, sur l’enfance du patient afin de détecter la source du problème. Il propose des exercices à faire chez soi. Les séances durent environ trois quarts d’heure, une à deux fois par semaine. Si la démarche peut être faite individuellement, il est néanmoins souhaitable de prendre la décision ensemble et de faire équipe afin de solutionner le problème rencontré dans la vie sexuelle. Dans notre société actuelle, en matière de sexualité, il y a plus de liberté d’un côté mais plus de pression de l’autre, comme le confirme le Dr Leleu, sexologue : « Il ne semble rien y avoir de nouveau en termes de pathologies, mais l’amour, la performance, l’exigence de résultat revient de manière obsessionnelle. Le souci se porte sur l’obligation de rentrer dans des normes, de satisfaire à des obligations. Les hommes doivent être en érection indifférée, avoir la plus longue, la plus grosse, les femmes doivent atteindre l’orgasme à chaque fois. Il existe une forme de terrorisme. ». Les femmes, même si elles sont souvent prises dans l’engrenage de ce culte de la performance, sont pourtant les premières à oser aller se confier à un sexologue. Curiosité, maturité, désespoir ? Le Dr Leleu s’explique sur les réticences masculines : « Beaucoup plus de femmes que d’hommes consultent. Les hommes viennent rarement en consultation alors qu’ils ont de graves problèmes d’éjaculation précoce. Par fierté, ils préfèrent frustrer leurs compagnes pendant 10 ans que de consulter. D’autant plus que des problèmes tels que l’éjaculation précoce peuvent avoir des sources d’origine aussi bien organique que psychologique. Les hommes ont effectivement plus de tabous que les femmes, ils sont infiniment plus pudiques, font preuve de plus d’amour-propre ou d’orgueil. Les femmes sont plus matures face à la sexualité. Elles en parlent plus librement. » Il faut encourager les hommes à consulter, l’affection la plus répandue et la plus préjudiciable restant l’éjaculation précoce. La consultation peut sauver le couple. Le médecin sexologue pourra faire la part des choses, porter un diagnostic clair, proposer une approche thérapeutique adaptée, prescrire des médicaments, des examens biologiques, mais aussi pratiquer des thérapies brèves les TCC : thérapies cognitives et comportementales, ainsi que des thérapies de couple.

Le sexologue

Ce n’est que depuis 1999 qu’il existe un diplôme Universitaire de sexologie, reconnu par l’ordre des médecins, d’une durée de 3 ans, permettant, au médecin qui en est titulaire, de le porter sur ses ordonnances et d’en faire état auprès de ses patients. En 1999, une enquête nationale liée à la profession de sexologue avait été réalisée en France auprès de 1000 individus recensés sous l’appellation « sexologue ». Il s’en dégageait trois catégories de praticiens : les médecins spécialistes (32%), les généralistes (35%) et les non-médecins (33%), soit les psychologues et autres professionnels de la santé. La sexologie peut donc être pratiquée par des psychologues ayant suivi une formation spécifique (le Diplôme inter universitaire de Sexologie est ouvert aux psychologues à partir du niveau DESS). Les psycho-sexologues peuvent mettre en oeuvre des thérapies de couple. Les Thérapies cognitives et comportementales (TCC) sont privilégiées. « Il y a autant de types de sexothérapies que de troubles. Dans un premier temps, il s’agit d’identifier le trouble. Un problème d’ordre organique engendre souvent un trouble d’ordre psychique (peur, ressentiment, manque de confiance…). Le sexotérapeute doit d’abord établir un diagnostic comme pour toute consultation médicale afin d’agir sur la cause. », rappelle le Dr Leleu. Une grande majorité de sexologues ayant suivi une psychothérapie, l’influence de la psychanalyse sur la sexologie reste forte ce qui explique l’importance du dialogue patient/médecin lors d’une sexothérapie. Néanmoins la sexologie n’est pas une extension de la psychanalyse pour autant, même si les origines de la sexologie sont liées à l’avènement de la psychanalyse qui a permis d’établir un lien entre problèmes physiques et psychiques. Si la décision de consulter peut être difficile à prendre, la consultation ou le contact avec le sexologue ne doit pas être source d’angoisse. Et pour faire taire certaines rumeurs : un sexologue ne peut pas vous demander de vous déshabiller, encore moins de passer à un quelconque acte sexuel. La relation thérapeutique entre patient et sexologue ne peut pas avoir une connotation érotique. Il s’agit véritablement de soigner.

Petit opus diacronique

La sexologie est entrée dans nos pratiques comme un maëlstrom. (…) Je me souviens de la pudibonderie de nos divers milieux médicaux, en médecine, en psychiatrie comme dans les milieux psychanalytiques. On y recouvrait d’un nom générique, troubles de la libido, un ensemble très variés de troubles sexuels. Chez les seconds, le sexe est bien trop charnel et bien trop cru pour être étudié directement comme tel. On y parle de phallus mais on ne saurait y parler de pénis. Dr Fineltain Ludwig, Bulletin de psychiatrie Numéro 5, Article 5.2, 1998

Le terme "sexologie" vient du latin sexus et du grec logos, soit : discours sur le sexe. Les premières études relatives à la sexualité n’ont été réalisées qu’à la fin du XIXe siècle. Il s’agit donc d’une pratique très récente. Les pionniers sont Richard von Krafft-Ebing (1840-1902), Havelock Ellis (1859-1939) et bien sûr Sigmund Freud (1856-1939). Richard von Krafft-Ebing est l’auteur en 1886 de Psychopathia Sexualis ouvrage de référence dressant l’inventaire des pratiques sexuelles. Après des études de médecine à Londres, Henry Havelock Ellis se spécialise dans l’étude de la sexualité. Avec pour toile de fond une Angleterre puritaine et victorienne, très controversé, il est la cible de poursuites judiciaires. En 1898, le volume de la série de ses Etudes de psychologie sexuelle est publié. Il est considéré comme le fondateur de la sexologie et le premier chercheur à avoir osé étudier scientifiquement la sexualité humaine. Quant aux premières études scientifiques officielles, elles n’ont été réalisées qu’après la seconde guerre mondiale par Alfred Kinsey (1894-1947) et le couple de chercheurs Masters (1915-2001) & Johnson (née en 1925). Kinsey est le fondateur de l’Institute for Sex Research. Deux études, portant son nom, sur le comportement sexuel des Américains effectuées auprès de 5 300 hommes en 1948 et de 8 000 femmes en 1953 lui ont permis de concevoir une échelle présentant un éventail de la diversité des orientations sexuelles. Ces études sont une référence en terme de sexualité et tout bon dossier sur le sexe y fait régulièrement référence.

Masters & Johnson : l’avènement de la sexothérapie

Dans la lignée de Kinsey, William Masters et Virginia Johnson ont affirmé l’importance de la sexologie en terme de véritable discipline. Ils ont analysé en détail la réponse sexuelle (féminine et masculine), dégageant les quatre phases du "cycle sexuel" : Excitation, Plateau, Orgasme et Résolution. Aujourd’hui encore les sexologues se réclament des recherches de Masters et Johnson. Ils ont étudié de visu les pratiques sexuelles de centaines de couples volontaires (relations sexuelles, masturbation...). Ils sont les précurseurs de la sexothérapie cognitivo-comportementaliste, ouvrant une clinique afin de traiter les troubles sexuels des couples. Développant une sexothérapie basée sur le principe du sensate focus, ils favorisaient la reprise de contact entre deux corps en se basant sur le plaisir sensuel et le toucher dans un réapprentissage de prime abord non sexuel, obtenant un résultat exceptionnel de 80 % de guérison. Le patient c’est le couple lui-même, l’homme et la femme. Le traitement implique qu’il y ait deux thérapeutes. « Il n’existe pas dans un couple d’incompétence sexuelle à laquelle le partenaire soit étranger ». Leur objectif était d’éliminer la peur de l’échec, et d’effacer chez la femme les craintes qu’elle éprouve envers son mari. On peut considérer les sexothérapies issues de Masters & Johnson comme des thérapies psychocomportementales et psychocorporelles. De nombreuses autres techniques ont été proposées depuis 30 ans mais l’influence de ce couple révolutionnaire reste très forte. La relaxation est au coeur des thérapeutiques corporelles proposant de traiter les troubles sexuels par la détente luttant contre l’angoisse en s’appuyant sur une meilleure conscience du moi physique. Si prendre la décision reste un premier pas difficile à franchir, le taux de succès de 80% est toutefois très encourageant. Les problèmes liés à la vie sexuelle d’un couple sont réels et il ne faut pas les minimiser. Mais il faut aussi relativiser et faire cesser ce culte du « toujours plus » : Oui, on peut avoir un orgasme sans hurler de plaisir et sans grimper littéralement aux rideaux. Oui, un orgasme peut être réel, sans être spectaculaire. Oui, faire l’amour peut être très agréable sans qu’il y ait forcément d’orgasme. L’épanouissement se trouve juste au milieu, entre le « jamais » et le « toujours »... Et si l’aiguille pointe constamment sur le « jamais », à ce moment-là allez consulter, plutôt deux fois qu’une.

Saskia Farber

Sources :

Interview du Docteur Gérard Leleu réalisée en juillet 2008 par Saskia Farber pour Second Sexe. Il est notamment connu pour son livre à succès : le Traité des caresses. Il est l’auteur de plus de 25 ouvrages dont L’art de la fellation/L’art du cunnilingus paru en juin 2008. Il organise des stages de préparation ou de réparation de la vie à deux, dans le Périgord, dans le cadre de l’association : L’Art-en-ciel.

Historiques : Psychopathia sexualis : Étude médico-légale, à l’usage des médecins et des juristes, Richard von Krafft-Ebing, Payot, 1931 Trois essais sur la théorie sexuelle, Sigmund Freud, Gallimard, 1989

Contemporaines : Jouir c’est aimer, Jacques Waynberg, éditions Milan, 2005 http://www.sexologie-fr.com/ Enquête sur la sexualité en France, Pratiques, genre et santé, Nathalie BAJOS, Michel BOZON, la découverte, 2008 Site afférent : http://csf.kb.inserm.fr/csf/accueil.html

Commentaires (1)

  • NYCTherapist

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