Assouan

Le 04/01/2010

Je suis allée souvent dans la cité nubienne, Assouan, ma préférée, mais je ne me souviens que de cette folie dans la chambre d’hôtel la plus voluptueuse, devant le plus beau site que je connaisse au monde, avec l’homme défendu que je caressais là, pour la dernière fois.

Que j’écrive aujourd’hui nos somptueux abus, nos exquises licences, pour ne jamais les perdre, à présent qu’il est tard !

Que je nous y revoie aussi nus, aussi libres !

Et sous le ciel en flamme, que je revive encore la passion, la beauté, la jouissance confondues !...

C’est le moment choisi où tout le paysage baigne dans l’incandescence du plus vif orangé. Quand le soleil s’accroche de toute son ardeur sur les dômes désertiques qui modèlent l’horizon sur l’autre bord du fleuve.

L’instant où les felouques, amarrées, impassibles sur des reflets de feu, le long des roches grises de l’île Eléphantine et des pontons de bois qui suivent les jardins, font une haie d’honneur aux quatre ou cinq d’entre elles qui évoluent encore pour donner, semble-t-il, plus de grâce au tableau.

C’est l’heure de la journée où la couleur déflagre dans le silence parfait, où les hommes et les bêtes et les choses et le temps s’interrompent ensemble devant tant de splendeur.

...Et pendant que le monde, dans sa contemplation, se détourne vers l’Ouest, c’est le moment où, lui, choisit de m’amener à d’autres voluptés...

Le sexe d’une femme installée sans vergogne au fond de son balcon, sur un large fauteuil, les jambes à l’écart posées de part et d’autre sur les deux accoudoirs ; un sexe découvert, totalement exposé, face à l’esthétique pure, idéale, naturelle, est-il une hérésie ? Il s’enflamme, en tout cas, comme le coeur d’un damné dans un brasier d’enfer, aussi rougi que lui sous les rayons solaires, brûlant sous les baisers, les lèchements, les morsures, les pressions, les torsions et autres raffinements. Dieu que son châtiment est plaisant et tentant !

Puisque cet homme connaît le secret, la raison, l’excuse de l’abandon qu’il m’impose si bien ; ceux de la plénitude parmi les luxurieuses et suaves émotions qu’il sait multiplier : pourquoi ne pas les vivre ? Et laisser mon regard s’abreuver du spectacle dont je suis gratifiée ? Laisser mes autres sens se griser tous ensemble - pour ma bouche du goût d’un cocktail d’eau salée qui sourd près de mes lèvres, d’un soupçon de champagne s’attardant sur ma gorge ; pour mes narines du souffle des brises africaines, épicées des savanes, désolées des déserts ; pour mes oreilles de paix ; pour ma peau de la sienne !

Je m’en remets à tout ce qui est beau et bon, à lui, à ses caresses, à la nature prodigue inventrice du plaisir. Je livre avec mon âme ce repli de mon corps. J’en délaisse la chair écarlate palpitante et noyée dans ses sucs ; le clitoris durci ruisselant de désir, touchant de petitesse, sensible à faire crier, les lèvres alanguies, malléables à merci, se collant, s’étalant selon l’effronterie et la force des assauts, les issues mollissantes, avides de fermeté, se mouvant par à-coups dans leurs frissons mouillés. Et pendant que sa bouche en fait se hérisser et se gonfler les crêtes ou que ses doigts en fouillent les sillons, les passages, je ne cherche qu’à jouir de cet instant torride.

Les lueurs enfiévrées du couchant me fascinent et irradient ma peau, la chaleur de l’envie, diffuse et délectable, consume mes entrailles, et soudain l’étincelle, une audace de trop, met le feu à ces braises. Je suis la proie des flammes. L’incendie me dévaste, et dans mon sauve-qui-peut de bonheur éperdu, je me raccroche à lui qui ne s’arrête pas d’attiser le sinistre. J’empoigne ses cheveux et plaque son visage sur le foyer ardent... pour calmer la brûlure...

[gris]Margo[/gris]

Commentaires (2)

  • Jocelyne

    Joli souvenir, mais où est le fantasme ?

  • margo

    Chère Jocelyne..
    C’est écrit comme un souvenir.... pour empêcher que la vie ne se passe pas seulement qu’à fantasmer !