“Sexe et Litterature Aujourd’hui” d’Olivier BESSARD-BANQUY
Le 03/12/2010
Il y a un mois, la Musardine m’adressait un colis avec quelques unes de leurs nouveautés. Le premier de la pile qui a tout de suite suscité ma curiosité était Sexe et littérature aujourd’hui d’Olivier Bessard-Banquy, que je me suis empressée de commencer à lire dans le métro comme à mon habitude.
Pour la présentation rapide, Olivier Bessard-Banquy est Docteur à la Sorbonne, spécialiste des lettres et de l’édition aujourd’hui et Maître de conférence. Il a travaillé pendant des années en tant qu’éditeur à Paris. Il a notamment publié “La vie du livre contemporain, Etude sur l’édition littéraire 1975-2005“. A noter, il est passionné de littérature galante et libertine. Les premières réflexions qui me sont venues en refermant ce livre furent : références incomplètes et dans quelle époque vit-il ?
Références incomplètes.
L’auteur n’a de cesse d’utiliser Houellebecq, Despentes et Esparbec comme points de comparaison. Bien entendu, d’autres références sont citées comme Reyes, Guibert, Dustan, Duriès… mais les trois premiers noms sont ceux qui reviennent dans tous les chapitres. Où sont les Ovidie, Lolita Pille, Delorme, J. de Berg, Sastre, L. Lunch, et j’en passe ? Prendre constamment Despentes en ligne de mire pour lui assener tant de coups dans un seul ouvrage relève de la mise à mort publique de l’auteur.
Je cite la phrase qui est, d’ailleurs, choisie pour vendre l’ouvrage “Vocabulaire digne d’un élève de sixième (redoublant), syntaxe incorrecte comme si la langue devait être violentée dans cette opération de délinquance totale, culte aveugle des anglicismes suggérant peut-être l’extraordinaire avance des Américains dans le domaine du crime et de l’appauvrissement culturel, tous les ingrédients du roman chez Despentes sont en résonance avec l’indigence du récit.” L’auteur de Bye Bye Blondie se fait descendre à chaque occasion.
D’un autre côté Houellebecq est référencé, lui aussi, quasiment dans chacun des chapitres. Ce dernier subit tout de même moins de coups bas que sa consoeur, mais n’échappe pas à la critique virulente de Monsieur Bessard-Banquy. Ainsi l’auteur des Particules Elémentaires est stigmatisé par une sexualité médiocre où le sentiment naît là où il ne devrait pas trouver sa source. Par contre, quel coup de pub pour Esparbec qui est encensé à tous les coins de pages. Un peu plus et on croirait que le seul auteur capable de sublimer l’érotisme aujourd’hui réside en la personne d’Esparbec.
Dans quelle époque vit-il ?
Olivier Bessard-Banquy a oublié l’époque dans laquelle on vit. Oui, aujourd’hui les femmes écrivent sur le sexe et la sexualité. Nous avons des choses à dire sur le sujet. L’auteur relève le franc-parler des femmes dans leurs écrits et leur manque de poésie. les auteurEs sont malmenées dans son ouvrages parce que beaucoup d’entre elles n’écrivent pas avec le tact qu’on pourrait attendre d’un être de sexe féminin. Mais que doit-on en tirer justement ? N’y-a-t-il pas des révélations derrière ces ouvrages si crus et directs. Page 98, je cite “Chez Virginie Despentes, la femme n’est ni sujet, ni objet mais un simple produit bas de gamme dans un supermarché sans vigile, une marchandise premier prix dans un monde de trafics et de rapines…“(et encore un coup).
Je lis dans cette phrase une pointe de misogynie. Le sexe n’est pas toujours une succession de frissons, d’amour, de caresses, de désir réciproque… Il peut être viol, violence, soumission, domination, acte revendicatif, prostitution… Le sexe n’est pas toujours beau et poétique. Olivier Bessard-Banquy tend à vouloir dire que la littérature érotique doit être galante, élégante, douce, source de plaisirs partagés… Seulement, ne sommes-nous pas parfois en quête de vérité et de réalité ? Le sexe et la sexualité ont évolué et nous aussi. Nos recherches sont différentes aujourd’hui et lire des récits érotiques joliment emballés finirait par ennuyer le commun des mortels.
Paradoxalement, l’auteur nous parle du “Jouir à tout prix“**, point d’ordre de tous les magazines d’aujourd’hui, de la banalité de certains ouvrages qui n’apportent rien à la littérature, l’explosion du marché de l’érotisme et le besoin des éditeurs de “choquer à tout prix”, à qui sera le plus trash… Pense-t-il tout de même que le marché du sexe de nos jour dénature la littérature galante contemporaine ?
Pour résumer, l’ouvrage sonne comme un rejet de l’écrit pornographique et un regret de la littérature galante. A ne pas mettre entre toutes les mains, mais les lecteurs éclairés et passionnés de littérature érotique se délecteront, parfois s’offusqueront, de cet essai qui se révèle, pour ma part, orienté et incomplet malheureusement.
** NB : L’auteur nous parle dans la même page de l’opposition de Sade et Sacher-Masoch. Bon nombre ont écrit sur le sujet et il est bon de rappeler à Monsieur Bessard-Banquy que les deux auteurs précités ne peuvent être mis en opposition, c’est d’ailleurs une grave erreur. Je lui conseille donc de lire Gilles Deleuze qui lui expliquera parfaitement les notions de sadisme et masochisme.
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