Manara - Le parfum de l’invisible 1 & 2
Le 16/06/2010
L’érotisme est une source d’inspiration constamment renouvelée dans l’art. Et ce n’est pas le neuvième art qui ferait défaut à cette constatation. Avec plus ou moins de bonheur, l’explosion des dessins avec des phylactères (autrement dit, la bande dessinée) au XXe siècle nous a montré que la pornographie dans la littérature avait autant besoin de mots que d’images.
Dévoreuse de bandes dessinées depuis ma plus tendre enfance, je ne me contentais jusque récemment que des chastes dessins de Roger Leloup ou des auteurs ésotériques. Certes, je rigolais aussi avec Titeuf, Cédric et autres petits fripons de papier. De plus, mon oncle possède une collection impressionnante avec en bonne place les albums de Gotlib. Mais jamais, ôh grand jamais, je ne me serais risquée à fixer ce qui ressemblait à des estampes japonaises d’un certain genre…
Et puis j’ai entendu parler du Déclic de Milo Manara. L’histoire d’un docteur qui fait jouir à distance grâce à une petite puce placée dans le cerveau de Madame. Il semblerait que cet album des années 80 ait fait des émules chez les concepteurs de toys, puisque le fantasme de Manara se révélait réalité une vingtaine d’années plus tard…
Un jour, en musardant dans ma librairie préférée (122 rue du Chemin Vert, Paris XI), et en cherchant ce fameux Déclic, je tombai sur un autre album du maître italien : Le parfum de l’invisible. C’est en réalité la réunion des deux épisodes de la série, éditée chez Albin Michel en 2004. Bref, une petite compilation bien sentie publiée avec une délicieuse odeur de stupre et de caramel…
L’auteur
Dans le milieu de la bande dessinée érotique, on ne présente plus Milo Manara. Pour qui s’y connaît un minimum, Monsieur est quand même le dessinateur qui a survolé le genre à partir des années 70. Né à Luson (Italie) en 1945, il devient assistant d’un sculpteur avant de se consacrer intégralement à la bande dessinée en 1968.
Après avoir fait ses armes en adaptant le Décaméron de Boccace, puis l’histoire de France en BD dans les années 70, il publie en 1983 (un signe ?) Le déclic qui marquera un tournant dans sa carrière. Depuis, il collabore avec divers grands noms de la BD (Hugo Pratt, Alexandro Jorodwsky…) et devient même scénariste à deux reprises pour Federico Fellini dans les années 90. Aujourd’hui, il publie essentiellement chez Casterman et aux Humaoïdes Associés.
Les pitchs
Dans le premier épisode, un savant, fou amoureux depuis sa plus tendre enfance d’une danseuse étoile au caractère trempé, décide d’inventer une lotion d’invisibilité pour observer à loisir l’objet de ses pensées. La potion est extrêmement efficace, sauf que la personne reste traçable. En effet, la potion dégage une odeur de caramel qui se trouve parfois fort incommodante…
Il tombe dans la chambre de la danseuse sur Miel, son assistante sexuellement très provocatrice, tandis qu’il s’applique la lotion sur lui. De fil en aiguille, une complicité s’installe entre eux, tandis que le chercheur éconduit découvre la vraie personnalité de son aimée et en profite pour se venger…
Le deuxième épisode, quant à lui, narre l’histoire d’un autre chercheur qui se fait séquestrer par une braqueuse ayant appris qu’il a fabriqué cette même potion. Après l’avoir bernée, il la sauve de malfrats, utilisant son invention. Ces mêmes malfrats vont cambrioler le laboratoire pour préparer un sale coup…
Le potentiel érotique
Très fort. C’est l’occasion pour Manara d’exposer ses fantasmes de voyeur, sous couvert d’invisibilité de ses personnages. Tour à tour, ils en profitent pour peloter les femmes en pleine rue, faire l’amour à des femmes mariées en toute impunité ou s’introduire dans des parties fines sans être remarqués.
Bref, de beaux odes à la femme (puisque les femmes de Manara sont tout simplement magnifiques) avec la juste distanciation pour ne pas se faire taxer de pervers. Belle performance.
Manara, Le parfum de l’invisible, Albin Michel, 2004. (Premier tome, 1986 – Deuxième tome, 1995)
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