Butins et cætera - chapitre 17

Le 30/07/2009

Le temps des supplices

Sous le rebord du paillasson art déco, patronné en queue de castor, garni poils de loutre, un pli gris de maure plissé de traviole patientait quasi ni vu ni connu. Mais Marie-Christine avait l’œil. Elle s’accroupit, extirpa la missive spéciale, et s’exclama une fois la porte ouverte, et dézippant cran à cran, dans un même élan, sa mini-jupe sur tout son long.

- Ah, tiens, qu’est-ce donc que cette dépêche expresse aux couleurs de la République et tamponnée des symboles de la justice joliment balancés ? à l’attention du courrier extraordinaire qu’elle stocka contre son cœur et, voilà mon chez moi ! en direction d’Angélina. Une bise furtive avait traversé le palier à la vitesse d’un F-117. Happé vers d’autres volcans, Wolsime-Lovine était passé sans s’arrêter, le nez conquis et les babines mises en alerte par un parfum de moisson de foin frais qui lui fit promettre de revenir s’y abreuver à goulues lampées, si l’occasion se présentait. Il n’y eu pas ni bang ni éclair, et l’histoire ne dit pas si Mic frémit de ce fugace frôlement.

Les sens en éveil malgré sa nuit tourmentée, passant le courrier d’exception, et d’importance vous en conviendrez, par pertes et profits, Angélina, grande clairvoyante en diable, perçut vite fait bien fait l’absence par transparence. Mais dans la surprise du débarquement, ne sut point la nommer. Pour parer à la confusion, Mic fit ce qu’elle pensa qu’il fut judicieux qu’elle fisse en de telles urgences. Elle écarquilla la voilette, frappa trois coups de talon sur le sol, pinça à la volée une couture galonnée de sa culotte, la fit glisser grand vers le liseré opposé, maintint le temps nécessaire la posture d’équerre, puis jugea tout bonnement préférable de la faire dévaler ce qui fut fait d’un simple tournehanche. Le morceau de toile oscilla sans embarras de haut en bas et mourut net aux pieds des escarpins. Angélina avait de concert tiré de son cabas la lunette cuivrée. Elle la déploya à l’extrême et lança un rapide coup d’œil d’horizon. La focale en règle, elle dévisagea millimètre après millimètre la formidable faille qui embrassait à ras bord son œilleton. Renflements pleins et concavités déliées, stries, plis et consorts ondoyants, parés tout en rose, tendre, indien et bonbon. Marie-Christine se fendait-là d’une fente qu’Angélina doutait tout à coup de pouvoir combler. Elle lui apparut plus grande et plus majestueuse qu’elle ne l’avait sillonnée deux jours auparavant. Angélina s’approcha, osait à peine toucher, s’extasia en sus, ouah la vache !, devant la coquette coupe. Le morne monticule filait doux comme de la peau d’quéquette et d’pied réunie. Angélina lanterna, se projeta dans ces célestes voûtes, lissant, embrassant, sans autres desseins, des nuits d’hiver entières, la saillie de poils rescapés si, par bonheur, de fourbes caresses ne tentaient de la détourner vers de bestiaux plaisirs. La seule vue des lèvres du sexe de Mic emplissait son esprit de leur saveur charnue, de ces parfums qui refusent de s’évanouir de la mémoire longtemps après la mise sous voile de l’objet du désir. Et cela ne la surprit plus guère alors que pousse sur un tel terreau une toison de soie.

- Ah, oui, là, alors, vraiment grande gloire et prospérité éternelles aux glabres ! Mais le détour renvoya Angélina à ses récents tourments. La jeune femme déposa ses somptueuses fesses de meneuse à plumes et paillettes sur un pouffe-poire et se lança alors dans une histoire jusque-là gardée secrète. Cela concernait un épisode de sa récente « disparition ». Lech et Kofi, les deux bourreaux d’son cœur, la supplicièrent. « Et oui ! Et tu sais comment ? » demanda Angélina. Mic opina un « Sûre que non ». C’est ainsi qu’Angélina fit un récit dans lequel ses deux beaux hommes entortillèrent une de ses chevilles à une corde pendouillant à un palan, hissèrent aux cieux et sans rudesse sa gambette. Angélina n’y avait, bien sûr, rien vu à redire. Elle faisait confiance. Des professionnels savaient y faire en extorsion de propos de fonds (ce n’était pas toujours absolument vrai !). Certes de prime abord, Kofi, élu par le tableau, fut décontenancé, et ne sut pas tout de suite comment appréhender la posture. C’était pour Lech et Kofi une première dans leur art de mener l’interrogatoire. Mais leurs maîtres leur avait d’abord appris que l’essentiel pour parvenir aux aveux était de s’engouffrer dans la moindre faille. Ce n’est qu’à ce moment que leur doute s’évanouit. Angélina jugea que l’ouverture en si grand de ses cuisses permettrait à Lech ou Kofi de pénétrer au tréfonds de son con, et la contraindrait à lever une naturelle inhibition langagière. Il ne lui était pas venu à l’esprit que l’aveu à vau-l’eau nécessitait qu’un second corps s’y immisce.

- Nous voilà bien embouchée et contristé, fit Mic le pli à tampon républicain officiel décacheté de son décolleté en pagaille. Elle, comment la blâmer, elle était à toute à une toute autre affaire.
- Exactement ma bichette ! Comment savoir qui sera le père, sauf à mettre en branle la lourde Armada des tests de paternité, en cas de rupture de mon inviolée à ce jour protection hormonale ? Mais sache, belle enfant, que sur ce coup pendable, Lech et Kofi n’apprirent rien de ce qu’ils auraient aimé savoir. A posteriori, je m’en réjouis doublement. Mic s’affaissa sur un coin de la table du salon, mains chancelantes de dépit aux entournures des cuisses. Incrédule, elle relut à haute voix la mise en demeure judiciaire. Perdue dans les affres de la procédure d’ores et déjà annoncés, elle passait à travers le récit d’Angélina. Ses fesses si rosées d’habitude paraissaient pâlichonnes. Ses mamelons saillaient sans conviction. Heureusement, le trouble apparent ne la fit point défaillir. Mic fripait son trognon brin d’culotte comme on met les soucis en pelote. Elle avait repêché la parure gisante à la cheville d’une virtuose aile de pigeon, contrôle de la poitrine. Ni Pelé ni Cruijff à l’apogée de leur art n’auraient mieux tripoté. Angélina poursuivait son récit, en était à avouer, une nouvelle fois, qu’elle avait foutre Dieu adoré se faire « bourrer et bourreler », bien pardonnable écart de langage dans de telles situations, par des élites nationales de cette trempe. S’ils bousculèrent quelque chose, ajouta-t-elle, ce ne pouvait être que ses sentiments. Bourreaux de cœur ! les nommerait-elle désormais.

Plus jamais pourtant, elle ne croiserait la joute de ces chevaliers servants, compagnons empressés et galants, hommes d’une seule mission. Question d’efficacité ! disait le fameux manuel. Sur la stèle du monument aux Morts pour la grande France, Angélina avait craint, au moment de sa capture, le naufrage. Lech et Kofi la firent chavirer dans tous les sens et lui montrèrent la bonne direction. La leçon de l’histoire, c’est qu’elle leur serait reconnaissante pour l’éternité d’une si brillante révélation. Angélina radina son siège aux abords de Mic, lui fit minette et couvrit le corridor de ses cuisses de caresses.

Soudain, Marie-Christine bondit, au garde-à-vous comme on le fait dans les casernes. Son sauveur jaillit à son esprit : « Louis, 02 40 12 34 56 », se souvint-elle comme un retour de boomerang, le combiné déjà calé en main. Son brin d’culotte, reprise de volée, fendit l’air en un éclair. Angélina, son récit remballé, donna un coup de rein pour s’extirper de sa pouffe torpeur, et plaça d’une tête plongeante, le chou fétu d’tissu au faite d’un dynastique paravent à anses Tangue. Ni Maradona ni Platini, à l’acmé de leur gloire, n’ont hissé l’art du tir au but à si haut degré de précisions nanosphériques. Et voilà tout naturellement de mutuelles congratulations sportives en conclusion pour les deux femmes. En ces intenses instant de tropes sportives, ce ne fut donc pas si surprenant de voir Marie-Christine disparaître derrière la chinoiserie pour aller changer de combinaison et assurer ses arrières…
- Tiens, se dit-elle ragaillardie, je pourrais faire l’inverse une autre fois, rester à la vue de tous devant le pararrière pour sauvegarder mes avants. Bon, on verra, s’esclaffa-t-elle. Elle jeta ses jarretelles. Les dessous s’amassèrent en bloc dans le très culotté giron. Ah, oui, le pli de tous les soucis ?

Dans la foulée de la mésaventure survenue à Mic au chapitre sept, la compagnie de transport urbain avait déposé une plainte en bonne et due forme dans le premier commissariat venu. Les passagers de la ligne 23 abondèrent à la requête. Ils firent valoir le non-respect des engagements de dépôts des usagers communs à intervalles réguliers d’un parcours dûment signalé par bornes dernier cri, ludiques le jour, lumineuses à la nuit tombée. Soit. C’était dans l’ordre des choses de la société. L’heure c’était l’heure, la minute la minute. Les traminots jouaient dans le respect horaires leurs primes de Noël. Les buzinessmanes gagnaient ou perdaient des contrats à la seconde près. Les zurbains responsables s’soumettaient aux contraintes mobiles communes sur promesses d’un temps de parcours maison-boulot maîtrisé et calibré. « Voilà bien des dézagréments collatéraux quand on veut sauver la planète ! » « Oui, c’est elle ; oui c’est bien elle ; je me souviendrai jusqu’à mon prochain orgasme de ce beau visage ; ces jolis yeux noirs me chamboulent encore », avait recueilli après une rapide enquête vidéo la police des transports, des rues, de l’air et des frontières. Dans ses visées répressives, le ministère public déclara la plainte recevable. Mic devait s’expliquer, en comparution quasi immédiate.

- Bah ! si c’était vindiou comme ça alors que la société se transportait, Angélina se dit donc, dit donc, qu’il valait cent fois mieux aller jouer au flipper, rouler des mécaniques, malmener à fleur de tilt ses vieilles babasses à cinquante centimes de franc les deux parties, partie gagnante, clac, clac, à dix mille, points égrenés dans un interminable concert de cliquetis des rouleaux à décompte. Si, si, aux Cyclistes, café ouvrier, y’a encore ce genre d’engin ! Et j’témoignerai aussi s’il le faut, oui invite-moi à comparaître à la barre ! J’leur dirai des choses à ces messieurs-dames de robe. Et elle s’éclipsa, puis réapparut dans l’instant. Emberlificotées dans la tourmente, ni Mic ni Angélina n’avaient pensé faire cas des achats restés en remise dans leurs emballages d’origine, là dans l’entrée, là même où on les avait posés en arrivant, sur le bonheur-du-jour d’un style très contemporain, marqueté à la façon de Madison Picrocolin, designer d’Alaska. Angélina engouffra un bras, touilla et extrada la plus plume des culottes vers son popotin. Voilà, elle trotta au troquet, faire claquer les parties.

Alors Mic combina la formule téléphonique.
- Allô, Louis ? La compagnie de transport échafaude des embrouilles. C’est vous qui…
- Oui !
- Vous m’aiderez ?
- Oui !
- Maintenant ?
- Tout de suite ! Et Mic toqua à la porte.
- Hiiiiirma Vep ! Votre cotte de latex charbon attise le bel émoi de notre première rencontre, fit Louis découvrant la toqueuse sur le seuil de sa maison.
- Mais non, je me nomme Marie-Christine ! C’est moi, Mic, la fille aux noises du bus municipal.
- Oh, pardonnez la méprise, madame ! Le choc de revoir votre délicieux minois. Mic n’avait aucun souvenir des traits de celui qui allait être son sauveur. La beauté de l’homme qui lui ouvrit lui convint. Elle fut aussitôt persuadée qu’il lui apporterait le soutien nécessaire.
- Entrez, je vous prie, fit-il.

Camomille Belleplante