Butins et cætera - chapitre 8

Vogue à l’âme

Le 30/07/2009

Au loin, de retour du port, dix dames enjambaient en procession le vieux pont de fonte à bascule. Seules et silencieuses, ou par deux en conversation lorsqu’on y prêtait plus attention. La dizaine de madames avaient passé la nuit sur un vraquier à quai, arrivé la veille à l’aube, à écumer les cabines de marins approximativement polyglottes et interdits d’débarquer. C’est la municipalité qui avait rincé en secret en guise de cadeau d’adieu. Le Carmel Toupickt, pavillon de complaisance, vingt-cinq mille tonnes de mélasse à fond de cale, passerait pour l’histoire portuaire de la ville pour le dernier cargo à avoir accosté en présidence, quai Woodrooh Jefferson Wilson. Le Carmel Toupickt et les navires de ce tonneau iraient voir ailleurs.

Désormais, les pontons poisseux et miséreux accueilleraient, en port-étape, d’autrement luxueux paquebots et touristes de croisière. La dernière lubie « dans le sens de l’histoire » d’un bourg mégalo-métropolitain en extension. La Loire, gorgée d’eaux salées, atteignait sa cote d’évasion. Il était temps pour la coque de décaniller. L’orge pour les Chinetoques gonflait ras les cales du rafiot. Le mécanicien fit ronfler la machine. Une fumée noire poussée par le vent du large lécha en panache la flèche de la grue Titan grise, ultime souillure marchande, tache de suie authentique, titanesque pour ce chef-d’œuvre de métal en instance d’inscription patrimoniale au musée de la ville. Mais retournons à nos tontes de moutons !

[gris] Camomille Belleplante[/gris]

Commentaires (1)

  • nmcUEYDMtGfOdvuXJUr

    You’re the gertaest ! JMHO