Sous le voile de coton : comment la culotte a volé aux femmes leur liberté
Le 27/10/2025
Jusqu’à la fin du XIXᵉ siècle, les femmes vivaient sans culotte. Le sexe libre, ventilé, vivant — comme depuis des millénaires. La culotte, contrairement à ce que l’on croit, n’a rien d’un attribut féminin ancestral. Elle est une invention tardive, imposée au nom de l’hygiène, de la pudeur et du progrès. En réalité, elle fut l’un des outils les plus efficaces pour infantiliser, contrôler et désérotiser le corps des femmes.
Quand les hommes inventèrent la pudeur des femmes
Tout commence avec les hygiénistes, des hommes persuadés de mieux savoir que les femmes ce qui était bon pour leur santé. Sous couvert de "propreté" et de "moralité", ils ont prescrit le port de la culotte comme on impose un médicament. Une ordonnance vestimentaire qui prétendait protéger, mais qui visait surtout à enfermer.
Ironie du sort : les premiers à s’en offusquer furent… d’autres hommes. Les conservateurs y voyaient une menace : la culotte féminine brouillait les frontières du genre, risquait de "masculiniser" les femmes. Dans les milieux religieux, c’était encore pire : évoquer la culotte, la fabriquer, la porter, tout cela relevait presque du blasphème. Le simple fait de penser au vêtement qui frôle la vulve devenait indécent.
Autrement dit : les hommes débattaient entre eux du tissu qui allait bientôt séparer les femmes de leur sexe — sans leur demander leur avis.
Les femmes, elles, résistaient
Les femmes du peuple n’en voulaient pas. Inconfortable, chère, contraignante, la culotte était un luxe absurde qui entravait les gestes et compliquait la lessive. Les femmes des champs et des ateliers avaient d’autres priorités que de "protéger" leur sexe des regards invisibles. Et surtout, elles savaient instinctivement que ce vêtement qui collait au corps n’avait rien de libérateur : il remplaçait la liberté par une couche de tissu.
Les féministes, par contre, se sont divisées. Certaines, comme Elizabeth Stuart Phelps ou Madeleine Pelletier, ont vu dans la culotte (et le corset) une nouvelle chaîne patriarcale. D’autres, comme Susan B. Anthony ou Hubertine Auclert, ont tenté d’y voir un outil d’émancipation pratique. Mais toutes avaient compris que les vêtements n’étaient pas neutres : ils disaient la place qu’on assignait au corps féminin — entre pudeur forcée et contrôle social.
La mode, ce cheval de Troie du patriarcat
La médecine n’a pas suffi à imposer la culotte. Le féminisme non plus. C’est la mode qui a fait le travail. Paul Poiret et les grands couturiers du début du XXᵉ siècle ont compris le filon : ce qui se vend, ce n’est pas la santé, c’est le désir. Ils ont donc travesti la contrainte en raffinement, l’enfermement en élégance.
La culotte devint alors désirable. Les magazines féminins en firent un symbole de modernité, de luxe, de féminité... tout en coupant littéralement les femmes de leur sexe.
Ensuite, c’est la guerre qui a scellé le sort de la liberté féminine. Pendant la Première Guerre mondiale, la culotte s’est imposée dans les usines, dans les champs, dans les uniformes. La femme nouvelle — celle qui travaille, qui bouge — devait être "pratique", porter un pantalon et pour cela, il fallait une culotte. Le corps devait se faire fonctionnel, discipliné. Le tissu remplaçait la peau.
Une révolution à l’envers
Ainsi, ce qui avait commencé comme un instrument de contrôle s’est travesti en symbole d’émancipation. Mais derrière le discours de progrès, la réalité demeure : la culotte isole les femmes d’elles-mêmes. Elle neutralise la vulve, anesthésie la sensation, met à distance le désir.
Et lorsque le collant est venu s’y ajouter, le lien entre le sexe et le monde s’est définitivement refermé. Ce n’était plus la femme libre et sensuelle des siècles passés — c’était la femme propre, disciplinée, socialement acceptable. Une femme qui ne sent plus, qui ne s’écoute plus.
Rouvrir la brèche
Aujourd’hui, quelques marques de lingerie érotique réinventent les culottes ouvertes, celles qui laissent respirer, sentir, frôler. Ce n’est pas un hasard. Ces pièces ne sont pas de simples jeux sexuels : elles ravivent un savoir ancien, une liberté perdue.
Elles réconcilient le corps féminin avec lui-même, sans barrière de coton ni injonction hygiénique.
Avant de les juger ces sous-vêtements provocants, il faut peut-être se demander si, au fond, ils ne sont pas plutôt un geste politique ?
Refuser la culotte, c’est refuser le contrôle. C’est dire non à des siècles d’enfermement textile, à cette injonction d’être propre, sage, couverte. C’est renouer avec une mémoire oubliée du corps libre, du sexe vivant, du plaisir sans entrave et les culottes ouvertes sont peut-être le souvenir vibrant d’un temps où les femmes n’étaient pas coupées d’elles-mêmes — et une invitation à retrouver, un jour, le goût simple et subversif de l’air sur la peau.






