Un malencontreux accident

Le 13/04/2009

Je n’ai pas eu le temps de poser ma cigarette au moment où Laura a bondi sur moi. J’ai senti les deux masses tièdes et lourdes qui dansaient sous son chandail s’écraser contre ma poitrine et ses bras s’accrocher autour de mon cou. J’ai plaqué une main contre le mur, derrière moi, pour ne pas perdre l’équilibre tandis que l’autre tâtonnait dans le vide comme une tête chercheuse en quête d’un hypothétique cendrier où poser ma cigarette avant que ses cendres ne s’écrasent au sol, ou pire encore, qu’elle ne brûle un truc qu’elle rencontrerait sur le chemin de sa course incertaine.

Elle n’eut pas l’air de se soucier de l’inconfort de ma situation. Sans doute avait-elle autre chose en tête. Son visage s’enfouit contre mon épaule. Boucles noires baladeuses et vivantes qui venaient me chatouiller le nez, me donnant l’envie de me gratter. Mais on ne se gratte pas une narine lorsque une femme comme Laura se jette à votre cou. Je n’avais pas vraiment prévu ça à vrai dire. J’en avais envie depuis longtemps mais je ne l’avais pas prévu. J’étais tout sauf préparé à affronter la situation avec sérénité. J’ai quand même entouré sa taille avec ma main libre, c’était la moindre des choses. J’ai tout de suite senti qu’il n’y avait rien entre le chandail et sa peau, moment d’ivresse éphémère, en posant ma main à cet endroit divin, entre le haut des hanches et le bas des côtes, ce lieu à la fois tendre à masser et doux à caresser, ce carrefour qui vous laisse le choix entre une trajectoire ascendante vers la colline mammaire ou descendante vers le mont fessier… mon autre main virevoltait toujours dans les airs, avec ma cigarette pointée vers le haut. J’ai cherché un truc intelligent à dire, un truc qui conviendrait à la situation, mais je n’ai pas trouvé...

Laura avait l’air de prendre ça très à corps, elle était littéralement collée à moi. C’est elle qui a parlé, dans un souffle, au creux de mon oreille : "Excuse-moi Stef, je sais que c’est pas bien, mais j’en ai besoin." "C’est pas bien" est le genre d’euphémisme typiquement féminin pour désigner une action qui vous mènera au mieux à la catastrophe, au pire à la fin du monde. Ça pour ne pas être bien, c’était pas bien. Laura était l’amie de toujours de mon épouse, de celles qui viennent des bancs du collège, vous voyez. C’était déjà un sérieux problème vous en conviendrez. Elle était aussi la compagne de Georges, l’homme avec qui je venais de m’associer pour monter une petite affaire de location de voitures qui devait nous permettre d’ici quelques années d’amasser pour nos vieux jours un petit pactole rassurant.

Bien sûr tout cela n’avait aucun sens, et j’allais mettre un terme rapide à cet accident malencontreux pour ne pas bousiller à la fois quinze ans de mariage et dix ans de boulot. Je l’ai légèrement écarté de moi, je l’ai regardé au fond des yeux, le tout avec le plus grand sérieux, et puis j’ai glissé mes mains sous son chandail pour le faire passer au dessus de sa tête, juste avant de happer sa bouche avec gourmandise tout en la poussant fermement vers le divan pour l’y renverser avec moi par dessus. J’ai réussi dans le même mouvement à balancer ma cigarette d’un geste précis par la fenêtre ouverte du salon, j’avais besoin de toutes mes mains, c’est dingue la précision que peuvent atteindre vos mouvements dans ce genre de moment, je me demande parfois d’où peut venir cette soudaine et miraculeuse perfection dans les gestes. J’avais déjà ma bouche collée sur sa fente trempée, en train de lui masser l’intérieur avec ma langue et mes mains, tandis qu’elle, la tête en arrière, ses boucles noires coulant sur l’arrière du divan, ses longues jambes ouvertes, pendant sur les accoudoirs, commençait à lâcher prise et à mugir des obscénités dont je ne l’imaginais pas capable quelques secondes auparavant. Lorsque j’ai repris conscience ça empestait la sueur et le sexe. On s’était endormi emboîtés l’un contre l’autre, comme deux cuillères, sur le tapis du salon avec la housse du clic-clac comme couverture. J’ai regardé autour de moi pour tenter d’apercevoir l’heure sur la chaîne stéréo. Avant même d’y lire "19:08" j’ai soudainement réalisé qu’il faisait nuit et ça, c’était pas vraiment une bonne nouvelle. J’entendais encore Georges nous lancer en attrapant ses clés "je serais de retour vers sept heure, vous avez qu’à regarder un film, merci encore pour ta voiture Stef, t’es un vrai pote". J’étais dans son salon, sur son tapis, lové autour de Laura, enroulé avec elle dans la housse de son divan qui me collait à la peau en raison du mélange sperme-cyprine-sueur-salive séchée qui régnait ici ou là, surtout là d’ailleurs. Sa compagne m’avait ouvert tous ses orifices pendant plus d’une heure avec une ferveur étonnante et il n’allait pas tarder à débarquer. Il aurait même déjà dû être là ! J’étais un vrai pote y’avait pas à dire.

Laura dormait profondément, son cul bien encastré contre mon bassin, mes bras autour de son ventre, le visage collé au tapis, avec un mince et joli filet de salive qui coulait de sa bouche, le sommeil du juste, impitoyable. De la voir ainsi, dans la détente absolue après les délicieuses abominations que nous avions consommées ensemble quelques dizaines de minutes plus tôt, ce qui sous-tendait tout de même un degré de perversité conséquent, je me suis senti durcir à nouveau, tout au chaud contre ses fesses. C’est lorsque je me suis dit qu’il fallait arrêter mes conneries, réveiller la miss vite fait, nous rhabiller nous et le clic-clac à toute allure, faire un peu de rangement rapidos (le godemiché encore luisant qu’elle avait sorti de la commode et qu’elle m’avait demandé de lui coller avant de fourrer ma bite dans sa bouche faisait vraiment très mauvais effet au pied du grand ficus par exemple), voire vaporiser un peu de parfum partout si on en trouvait le temps, c’est lorsque j’ai fait le décompte mental de toutes ces urgences, que j’ai entendu avec une précision ahurissante la clé de Georges s’introduire dans la serrure de sa porte d’entrée et cette dernière s’ouvrir dans un bruit de fin du monde. "Excusez-moi pour le retard, y’avait de la circulation, j’ai ramené un magnum de Champagne pour me faire pardonner." Mon érection était intégrale lorsqu’il nous a trouvés ainsi au sol. Le pitoyable sourire que j’ai tenté de lui adresser lorsqu’il est entré dans le salon l’était un peu moins. Et Laura dormait toujours, le visage posé à quelques centimètres de son godemiché encore chaud.

Ledaoen

Commentaires (1)

  • Georges Richard

    Exellent, de l’humour, de l’action, du rythme, bravo !!