Lola Beccaria : Toute Nue

Le 15/04/2009

Enflammée par la vision d’Hernán posté au beau milieu de la terrasse avec la queue dressée et moi à ses pieds, mon imagination explosa et je franchis une porte que je n’avais jamais ouverte auparavant. Jusqu’alors, mon expérience sexuelle était l’unique résultat d’une addition de deux corps que je différenciais clairement l’un de l’autre, tout en sachant que la passion érotique était un moyen d’atteindre un certain niveau d’union charnelle, matérialisé par le plaisir de l’un superposé à celui de l’autre.

Mais, avec Hernán, le sexe était une danse de couple. Une chorégraphie qui unissait deux corps et leur conférait une unité harmonieuse, composée de quatre jambes et quatre bras, de deux torses et deux têtes. Cela ne faisait aucun doute, j’avais affaire à un homme extraordinaire. Cette révélation me fit frissonner lorsqu’il me releva pour me hisser à sa hauteur. Là, debout, devant lui, je sentis une terrible pression s’exercer dans ma vessie, et je ne pus m’empêcher de pisser. Hernán contemplait le jet tomber en cascade de mon entrejambe. Plus rien ne pouvait m’arrêter maintenant. Il plaça sa queue sous la chaude giclée.

« Tu es une vilaine petite pute, me dit-il en souriant. Et je vais te punir pour avoir fait pipi sans mon autorisation. » Impossible de m’arrêter, mon envie était trop grande, et je continuais de me soulager, plus excitée encore par ses paroles. J’étais vilaine, oui, une vilaine petite pute qui ne faisait pas ce qu’il fallait. Une petite pute désobéissante, dominée par ses indomptables bas instincts. Il allait me corriger pour cela, et, moi, je continuais de pisser pour que la punition soit la plus lourde possible. Je désirais être battue pour ma mauvaise conduite. « Qu’est-ce que tu vas faire ? lui demandai-je, mi-honteuse, mi-provocatrice. Me frapper ? – C’est ce que tu crains, ma vilaine petite pute ? m’interrogea-t-il, braquant son regard sur mes pupilles. Ou c’est ce que tu désires ? – Je ne sais pas distinguer ma crainte de mon désir, m’expliquai-je alors, en le narguant un peu, déconcertée. – Parce que c’est la même chose », conclut-il tandis qu’il s’asseyait sur le transat et m’attirait vers lui, la pisse dégoulinant encore sur mes cuisses.

Il passa son bras sous mon aisselle et m’attrapa avec force pour m’installer à plat ventre sur ses genoux où il me maintint fermement plaquée, avec le cul offert au ciel de Madrid. Il commença à me donner des fessées qui claquaient dans le silence aérien de la terrasse. Au départ, j’étais folle de rage d’être soumise à ses coups, et je voulus me dégager, me libérer de cette torture humiliante, mais il ne me lâchait pas et me roucoulait des phrases obscènes à l’oreille : « Tu as été vilaine, ma petite putain, très vilaine, et je te donne ce que tu mérites. Ça, c’est la punition qu’on inflige aux méchantes filles qui ont fait pipi alors que ce n’était pas permis. Tu es une sale dévergondée qui ne sait pas se retenir. Une princesse ne peut pas se conduire comme une catin mal élevée. Elle doit contrôler sa chatte et avoir un peu de décence. Tu es une pouliche en chaleur que je dois corriger pour s’être pissé dessus et avoir voulu jouir quand elle en avait envie. Je dois le faire, c’est pour ton bien, pour que tu apprennes les bonnes manières, ma jolie petite garce. Je dois te dresser pour que tu saches te tenir en société. Pour que tu deviennes une pouliche distinguée qui obéit à mes ordres. »

Sa voix était douce mais prenait un léger ton déchirant qui faisait vibrer mon cœur tandis qu’il frittait mon cul. Elle résonnait dans sa gorge, dénonçant l’existence d’un lieu secret et tourmenté. C’était comme s’il se punissait lui-même à travers mon corps, en essayant de dompter la farouche spontanéité de mes instincts. Son comportement à mon égard me troubla au point de me sentir soudainement aimée. C’était un père inquiet pour sa fille égarée à qui il manifestait son amour de la seule manière qu’il avait apprise. En la rossant. Alors, la crainte d’être battue et punie qui m’avait envahie au départ se transforma subitement en plaisir. Je voulais désormais qu’Hernán me frappe toujours plus, et je recevais ses coups cinglant mes fesses consciente de cette nécessité. J’avais besoin d’être flagellée, domestiquée, modelée. Je gémissais de bien-être sous la stimulation de ses mains sur mes chairs à vif et à chaque brimade mes membres se convulsaient de bonheur et palpitaient, hérissés d’énergie.

« T’aimes ça, hein ? Tu aimes que je te donne la fessée. Tes gémissements te trahissent, belle salope. Je veux que tu cries et que tu te tordes de plaisir. C’est ce qu’exige ton maître. J’aime voir ton esprit à cran, rebelle, se faire mater par mes mains qui fouettent ton cul de princesse catin. » Tandis qu’il me flagellait la croupe, il pinçait tour à tour mes tétons de son autre main, si bien qu’ils me brûlaient tout autant que mon postérieur. Mais cette douleur était délicieusement violente, infini- ment pénétrante de volupté, furieusement vive. Elle me coupait le souffle, me contractait les muscles et meurtrissait mes chairs, en même temps que je me voyais ouvrir mes entrailles à Hernán, me donnant à lui comme jamais je ne m’étais donnée à aucun autre homme auparavant, pas même à Damián. Et je lui criais, déchaînée, de me frapper davantage, de me faire mal ; juste pour ressentir plus intensément mon corps et mon âme s’ouvrir, mes tripes et mon cœur transpirer par tous les pores de ma peau.

« Tue-moi, Hernán, tue-moi de douleur et de plaisir, finis-je par demander à mon conquistador, troublée par la violence de mes propres sentiments qui affleuraient irrémédiablement et qui me rendaient si vulnérable, si faible et si soumise, mais également si heureuse de pouvoir les extérioriser une fois pour toutes. Pourtant, je ne voulais pas vivre avec, ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Je savais qu’ils me feraient mal, même dominés, même libres. Je savais que je finirais par succomber à cause d’eux. Je voulais donc mourir sur ses genoux, là, tout de suite, maintenant, anéantie par un coup de fouet de passion. Je ne pouvais pas continuer à vivre en présence de mes viscères à nu, tout en étant consciente de ma propre vérité. Je ne voulais pas être une pouliche en chaleur, une salope finie, une vilaine petite garce, et je ne souhaitais pas non plus être une princesse distinguée ni une tigresse apprivoisée.

Si j’avais eu le choix du rôle, j’aurais choisi celui de princesse catin, celui qu’Hernán avait si bien nommé. Il semblait me connaître mieux que je ne me connaissais moi-même. Il m’avait définie à la perfection. Il avait su voir ce que je m’efforçais de cacher au monde entier. Que quelqu’un sache me cerner si justement m’avait émue et déchiré le cœur de part en part. Parce que je pris subitement conscience qu’il n’y avait pas d’autre place pour moi que sur ces terrasses luxurieuses où, chevauchant des tapis volants bleu ciel et eau, je me livrais aux bras d’hommes hors du commun, rares et fugaces. C’est pour cela qu’il valait mieux mourir dans un instant d’extrême illusion, où la magie était réelle et où mon corps n’était qu’une canalisation rompue par laquelle s’écoulait l’extase de la plus dure et la plus triste des révélations. Hernán ne me tua pas comme je le lui demandais, mais d’une autre façon, beaucoup plus cruelle et prodigieuse. Il stoppa ses coups, me releva de ses genoux, se dressa, m’allongea tendrement sur le transat, m’embrassa sur les lèvres et commença à se déshabiller, se dépouillant de ses vêtements sales.

Mes yeux se régalèrent alors d’une vision fulgurante. Son corps mûr et bronzé était celui d’une statue d’athlète à qui l’on aurait insufflé la vie. Un jeune athlète passé au doux fil des ans. Avec ce qu’il faut de flaccidité pour permettre de savourer le moelleux de la chair, avec ce qu’il faut de graisse pour éviter la désagréable sensation de rigidité du culturiste bodybuildé. Avec un début de ventre, douillet et accueillant. Un torse masculin, rond et ciselé, deux touffes de poils clairsemés, une peau à peine marquée. Le corps d’Hernán avait l’air de flotter tandis que je l’observais en détail. Sa bite tendue, robuste et tonique donnait à l’ensemble la touche de perfection exacte de l’instant. C’était un spectacle divin qui m’électrisait complètement. Je désirais être engloutie par cet animal aux épaules profilées, aux hanches discrètes, aux courbes ergonomiques, à l’aspect délicat, aux sveltes jambes de poulain espiègle, au cul blanc et d’une beauté mortelle. Lorsque ce corps m’enveloppa tendrement, le monde alentour se volatilisa. Je restai seule avec la mer. Recouverte d’un nouveau ciel, je volai dans les bras d’Hernán, bercée par ses caresses, doux frottements d’archet sur la corde du désir.

Nous perdîmes finalement le contrôle. Hernán déploya une impitoyable technique de pelotage sauvage, à base de pincement féroce de mes chairs, tandis que ses baisers mouillés assortis de morsures sur ma langue et mes lèvres me faisaient perdre haleine, comme s’il avait deviné quel type de traite- ment je voulais à ce moment-là. La folie furieuse. Moi, je palpais son cul, je me vautrais dans son toucher, et je remontais le long de son dos, agrippais ses muscles et le serrais contre moi, l’embrassais dans le cou, bavais sur ses oreilles, caressais son torse et dessinais l’impeccable morphologie de sa silhouette avec mes mains, le retraçant tel qu’il était. Parce que cette structure corporelle, avec son cortège de détails, donnait à elle seule un sens à l’art. Sans que j’aie eu le temps de m’en apercevoir, Hernán m’ouvrait déjà les cuisses et tout le reste avec la pulpe de ses doigts.

« Et maintenant je vais te monter, ma pouliche, m’annonça-t-il sur un ton hargneusement amoureux. Je vais te saillir, je vais te posséder, je vais te faire jouir, petite princesse catin. » Sitôt dit, sitôt fait. Hernán mit sa verge entre mes jambes avec une délicatesse paternelle, pas à pas, centimètre après centimètre de bite dure, lubrifiée par les flots de liqueur que mon vagin suppurait d’excitation. Hernán s’enfonça jusqu’au bout de mon étroit fourreau qui n’avait encore jamais été étrenné. Il le fit doucement, ralentissant chaque centimètre de sa poussée, entrant dans le cœur de l’obscurité simplement armé de l’ardente pulsion de son instinct de mâle ivre de luxure, mais avec le raffinement exquis d’un amoureux du plaisir de la sensibilité. Dosant, modulant, se délectant de la première étape de la pénétration.

Et une fois dedans, bien emboîté à l’intérieur, Hernán me donna un coup sec et puissant, en reculant d’abord ses hanches pour les pousser ensuite contre mon ventre, histoire de s’assurer qu’il ne restait plus rien à remplir, plus rien à envahir, rien à enfiler ni à pénétrer, et aussi pour me passer le message de la prise de possession intégrale : je tiens la place, ma belle, pigé ? C’était le coup de grâce pour m’avertir que sa délicatesse n’enlevait pas la moindre vigueur à ses gestes, et pour m’affirmer sa virilité, son besoin de domination et la reddition sans condition qu’il attendait de moi. Le coup de grâce qui, sans le savoir, débouchait ma virginité pour abreuver les lions du cirque, et qui livrait mon vagin à tous les hommes qui y entreraient à l’avenir. Je n’ai pas souffert, je n’ai même pas ressenti cette fameuse douleur aiguë de la première fois. Hernán avait su la remplacer par un pincement à peine perceptible, instantanément balayé par le plaisir de l’avoir en moi.

« Ton vagin est le trou parfait pour ma queue, me susurra-t-il à l’oreille tandis qu’il sauçait mon intérieur, comme pour vérifier l’exactitude de ses propos. Après tout ce temps passé à te chercher, je te trouve enfin. C’est sûr, tu es l’élue, Martina. » Il enclencha aussitôt la deuxième étape de la pénétration. La chevauchée du pur-sang sur la pouliche qui ne sait pas dire non. La femelle nue, écartelée, qui sent ce pied trouver sa chaussure, et qui veut qu’il en soit ainsi, parce qu’elle sait qu’il doit en être ainsi, parce qu’elle le désire malgré son irréductible esprit de rébellion, parce que c’est délicieux et qu’elle s’y est refusée tant de fois qu’elle ne peut plus se refuser à ce mâle-là qui a gagné son trophée à la force du poignet. C’est un soulage- ment jouissif de savoir que l’on a la possibilité de dire non jusqu’à ce qu’on ne puisse finalement plus le faire.

Et, ce jour-là, ce choix fut le mien. J’avais choisi Hernán sans lui dire oui, mais sans pouvoir dire non à la force invincible de son attaque fiévreuse. C’était comme si la vie avait déferlé sur le pas de ma porte en emportant le paillasson, l’encadrement de bois et la sonnette, et s’était installée dans mon lit sans crier gare, sans même me donner le temps de l’inviter à prendre un café. Il n’y a pas une minute à consacrer à la politesse ni aux courtoises tergiversations quand le désir, la frénésie, la pulsion irrésistible de la vie frappent à votre porte. C’est certain. La vie n’a jamais lu un manuel de bonnes manières. Et, bien qu’Hernán fût un homme charmant, poli et élégant, c’était également un cavalier fou qui chevauchait la tornade de la vie, tirant les rênes avec la joie du plus inconscient, du plus audacieux des joueurs qui sait qu’il va remporter son dû non seulement parce qu’il l’a mérité, mais aussi parce qu’il a su le discerner entre les lignes de son destin. Car la vie, mesdames et messieurs, appartient à celui qui la brûle par les deux bouts et se jette courageusement dans son brasier, pour éclairer, avec la flamme de son propre feu, le puits obscur du désir.

Je m’offris donc à lui comme il s’offrit à moi. Je me suis laissé monter tant de fois qu’il le désira, voire plus. Sans relâche. J’étais tellement excitée que je me mis à jouir cinq minutes après le décollage. Il avait raison, le diable. Il m’allait à merveille, si bien que son frottement sur mon clitoris augmentait lentement mon plaisir, et il savait se bouger, ça, oui, comme il se bougeait bien, comme il savait manier le sabre, frappant ma vulve en chaleur de coups adroits et vibrants. Chaque fois que je jouissais, parce que mon plaisir montait sans cesse à m’en faire éclater la panse, il souriait et poussait toujours plus fort à chacun de mes gémissements, pour que mon orgasme explose sur sa queue plus sauvagement encore, avec toute sa charge de voluptueuse luxure accumulée. Au dernier soupir de mon orgasme, Hernán se retira pour éviter de se vider à l’intérieur. Mes cris l’avaient tellement excité qu’il avait failli se laisser emporter par le délire. Lorsqu’il l’eut complètement sortie, le sang qui la recouvrait lui sauta aux yeux. Il baissa alors son regard sur mon entrejambe et fut témoin de mon dépucelage.

Le flux incarnat démasquait un personnage que j’aurais voulu garder secret à tout prix. Il me caressa la joue et regarda sa main rouge vif. Hernán semblait avoir besoin de toucher pour y croire. Il chercha ensuite mes yeux, effaré, perplexe, comprenant enfin. « Ben oui, j’ai mes règles, lançai-je frivolement. Tu es de ceux que ça dérange, peut-être ? » Sans un mot, il me répondit en penchant la tête pour aller lécher mon sang comme un vampire ivre de bonheur. « Ton sang, Martina, est mon venin, me dit-il, comme récitant son texte. L’hymen des dieux matérialisé. J’espère seulement avoir été à la hauteur de ton offrande. – Tu l’as été, et plus que tu ne l’imagines, Hernán. C’était si bon que tu m’en as fait oublier ce fâcheux désagrément féminin. Si bon que tu as réussi à me faire goûter ce que je détestais et repoussais au départ. Non par puritanisme, mais par rébellion. – Et alors ? – Viens, allez, viens par ici. » Je m’emparai de sa bite et le masturbai tendrement pour compléter l’érection qui était en partie tombée. « Je fais ça divinement bien, l’informai-je. Maintenant, mets-la ici, allez. »

Je pris mes seins et les serrai l’un contre l’autre, laissant entre eux un espace où Hernán engouffra son membre. Je sentis un moment la combativité de la bête. Le frottement de sa fine peau sur la mienne dessina de rouges sillons qui s’élargissaient à mesure qu’Hernán appuyait sur l’accélérateur de sa passion, toujours plus vite, et, soudain, il s’arrêta net, comme un lion de mer échoué sur une plage, ensanglanté par le harpon du plaisir extrême. C’était le signal du début de l’éjaculation. Lorsque son sperme commença à gicler, il reprit son frénétique va-et-vient, perdu au sommet de la grande roue de l’orgasme, criant aux quatre vents le degré de sa jouissance. Le sperme d’Hernán m’aspergea les seins, m’éclaboussa le visage, me boucha les yeux et se glissa dans ma bouche. Puis il s’écroula de tout son poids, mortellement blessé. Il me prit dans ses bras. Un peu plus tard, il me pénétra à nouveau. J’eus un autre orgasme et lui aussi. « Mon besoin de toi est infini », me dit-il. Le nectar qui s’écoula cet après-midi-là à l’ouverture du flacon de mon dépucelage, rouge et épais, vint remplir les coupes de notre passion pour six mois.

Extrait de Toute Nue de Lola Beccaria, traduit de l’espagnol par Chrystelle Frutozo, (c) 2004, Lola Beccaria, (c) 2006, Éditions Stock pour la traduction française.

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Commentaires (1)

  • Paloma

    Je suis dingue de ce livre, je trouve fou cette manière de transgresser sur des terrains difficiles sans jamais tomber dans l’insupportable, bien au contraire, ce livre ouvre des portes sur la quete du plaisir des le plus jeune age. Et la justesse du sentiment et du ressenti est saisissante.