La fessée, une si jolie déculottée

Le 21/04/2009

Evoquer le thème de la fessée dans une assemblée (majoritairement masculine) provoque immédiatement un frémissement perceptible et un intérêt palpable. Il n’est guère d’hommes – et de femmes – pouvant affirmer, ne serait-ce qu’un moment, n’avoir été tenté par la « chose ». Plus particulièrement quand c’est une femme qui énonce à mots couverts combien elle comprend l’adage « qui aime bien châtie bien ». Ce péché bien innocent, cette virgule vigoureuse entre deux ébats est, à tout prendre, un jeu bien plus innocent et plus drôle qu’il n’y paraît. A ne pas confondre avec de plus sombres vices, en sexe, la fessée demande avant tout de la correction…

Les dessous cachés de la fessée

Il importe, même si de prime abord cela peut paraître brutal, de passer sur la genèse de la fessée. On ignore si celle-ci est aussi vieille que l’humanité elle-même, si Adam excédé de sa première épouse Lilith, la lui administra en punition de ses sottises (ou si c’est faute de ne la lui pas avoir donnée, qu’il a provoqué sa fuite). Mais on sait qu’en Grèce antique, les patriarches se régalaient de cette correction pour éduquer des éphèbes rebelles ou galvaniser leur propre virilité. Au fil du temps, la fustigation s’est intégrée dans l’éducation, souvent à mauvais escient : la Comtesse de Ségur berce encore nos mémoires des malheurs de ses petites filles pas modèles et de ce fait, vivement châtiées dans ses ouvrages. Jean Jacques Rousseau, aussi, évoquait avec pudeur ce qu’il nommait simplement « la punition des enfants » dans ses Confessions. Et chacun d’entre nous a quelque souvenir cuisant de cette sanction… Les précepteurs de toute obédience ont longtemps considéré ce moyen comme particulièrement efficace en termes d’éducation. Mais comme le dit si bien Jacques Serguine, l’un des meilleurs stylistes littéraires de la fessée : «  … en aucun cas et sous aucun prétexte il ne faut fesser les enfants. Et pourquoi cela ? Et bien tout d’abord par manque de place. Leurs derrières, au demeurant fort gracieux, sont encore si petits, voyez-vous. Ensuite parce que cela leur fait mal (…) » Ceci étant posé, tournons la page de la mauvaise éducation pour explorer le chapitre des fessées amoureuses entre adultes consentants.

Veille à ce que ton geste ne s’affaisse pas

« La fessée n’est pas une perversion, mais un simple fétichisme, un jeu sexuel joyeux et assez innocent pour des couples cherchant à pimenter leur vie intime », déclare Olivier, maître fesseur, qui distribue des punitions à des dames désobéissantes pour des messieurs voyeurs en général. Piment, jeu, couple… Ces trois mots définissent bien la fessée telle que la vivent les « lovers » de toutes trempes. D’abord la flagellation possède un petit accent britannique tant elle est considérée comme typiquement « and so british ». Ses rituels seraient la véritable tasse de thé des anglosaxons qui ont donné leur nom à la pratique à savoir l’Education anglaise. Le vocabulaire idoine émaille les références en la matière. Les naughty girls (vilaines filles), les spanking masters (maîtres fesseurs) et autres tawses (ceintures) sont des termes à connaître sur le bout des doigts pour qui apprécie ces caresses torrides. Mais ces femmes et ces hommes vont-ils puiser dans leur anglophilie pour s’exposer ainsi à ce qui reste, malgré tout, une punition ? Non, l’enfance est beaucoup plus proche que cela : Violette, 40 ans déclare « Gamine, j’aimais tellement la fessée que me mère y avait renoncé… je ne sais pas si cela vient de là, mais quand j’ai découvert que l’on pouvait l’associer au sexe, j’ai surtout découvert une voie royale vers le plaisir ». Il y a, c’est entendu, un sentiment de régression dans la fessée. En fait, il faut jouir d’une certaine maturité sexuelle pour parvenir à aimer cette correction. « Donner des fessées est matière à réflexion sur sa propre sexualité, celle de l’autre… déclare Xavier 42 ans. On a l’impression d’atteindre une certaine maturité sexuelle. A vingt ans je pense que je l’aurais moins bien vécu. Mais Paula sait venir jouer les toutes petites filles désirant une punition et m’exciter par ce jeu… qui nécessite une véritable complicité. » Voilà un phénomène paradoxal mais loin d’être rare. La différence se situe dans notre capacité à demander et accepter, bref, consentir. Par ailleurs, on parle de « donner et recevoir » une fessée, termes évoquant le cadeau ce qui l’éloigne un peu plus encore du phénomène très dérangeant de la personne battue. « Ce n’est pas une expérience violente, reprend Olivier, c’est un jeu de rôles, constituant souvent des préliminaires, très loin de la recherche d’avilissement du SM. On a littéralement les fesses en feu… » et le feu aux fesses !

Si je crie, il m’en cuit !

Cela peut paraître inattendu mais la fessée est riche de (et pour tous les) sens. Les mots ne trompent pas : déculottée, trempe, botter et on en passe, qui au propre comme au figuré évoquent un instant intense, excitant et dérangeant. De plus, de tout le corps, les « croupes » sont les parties les plus pudiquement cachées aux regards d’autrui, nimbées de mystère (ou de coton et dentelles). Or, rien n’égale le pouvoir de l’inconnu sur la libido. Découvrir et livrer ses fesses en pâture à une main aimante vient d’une envie profonde et tenace d’alterner douceur et douleur, calme après tempête... Autres sens en éveil : la vue pour celui qui admire la beauté de cette partie charnue rougissante ; puis le toucher puisque, même fort bien assénée, la flagellation demeure une caresse. Hors les quelques contempteurs de la chose, chacun sait bien qu’une bonne fessée amoureuse va crescendo et n’outrepasse pas les limites du plaisir... Même s’il peut être très douloureux : pour avoir volé une montre, l’orgueilleuse et gironde Fanny de La Femme et son Maître (de Jean de Villiot) reçoit un châtiment digne de son crime : « Parfaitement insensible aux gémissements et aux prières de Fanny, [Dundas] alla jusqu’au bout, la flagellant doucement pour qu’elle sente bien chaque coup, zébrer sa chair, la cingler et la cuire avant le coup suivant. Il distribuait les coups avec une habileté consommée de telle façon que tout le champ d’opération en reçoive sur les côtés de la croupe, là ou la peau est la plus tendre. Les extrémités des lanières retombaient toujours avec force ce qui arrachait de plus profonds gémissements à sa victime ». Et ce, pendant que la Kellnerine des Onze Mille Verges (Guillaume Apollinaire) « se fait aux coups. A chaque claquement de la verge, le dos se soulevait mollement, le cul s’entr’ouvrait et le con bayait d’aise comme si une jouissance imprévue venait la visiter. Elle tomba bientôt comme suffoquée par la jouissance ». Inutile pourtant d’outrepasser les lois pour jouir d’une fessée.

Trois petits tours et puis s’en bat…

Beaucoup d’adeptes aiment les jeux de rôle, avec accessoires et tenues adéquates. Par exemple, la future fessée se vêt comme une écolière à qui incombe mille et une tâches qu’elle veille à bâcler, avant de se positionner comme il se doit : jupe retroussée sur les cuisses de monsieur, à genoux sur un Prie-Dieu dos, à quatre pattes ou tout simplement debout appuyée à un mur pour recevoir sa correction d’une main, un martinet, une ceinture ou une… verge (!). Bien entendu, une bonne fessée fait mal. Jusqu’à un certain point (un « sésame » sera parfois convenu pour éviter tout dérapage). L’imaginaire s’emballe sous les effets de la flagellation. Voyeurisme, sensations décuplées, « c’est le mélange de honte et d’excitation qui rend cette punition si troublante et donc si désirable. La fessée ne fait pas seulement mal aux fesses, elle fait aussi mal à la fierté ». « Moi, reprend Violette, j’aime sentir mon homme s’emballer et me flatter comme une monture pour accélérer le rythme. Et plus cela devient cuisant plus la douceur de mon ventre me paraît accueillante : quand il me pénètre c’est comme si la chaleur se diffusait dans tout mon corps. ». Qu’on se sente enfant ou femme, la déculottée vibre piano ou staccato résonne comme une mélodie tribale rythmant l’assaut et… qui n’aime pas faire l’amour en musique ?

Les bêtises de cambrées…

Mais vient le moment de fourbir ses armes pour convertir les rebelles. Une petite tape conviviale en privé sur les fesses, une allusion sur une bêtise qui mériterait bien une punition ou la lecture à haute de voix d’un livre : les possibilités pour engager le dialogue ne manquent pas. Car avant de baisser sa culotte, chacun doit déterminer (sans s’appesantir) son désir. C’est au cours des jeux que l’on prend la mesure de ce que chacun souhaite. Certains couples n’hésitent pas à mêler insultes et pénétrations pendant même la flagellation. D’autres la considèrent comme une stimulation passionnelle. Les gestes sont circonscrits aux parties charnues, éventuellement aux parties génitales pour les moins douillets. Ensuite, il convient de rester attentif. Certains fesseurs peuvent souffrir de frapper trop brutalement comme certains fessés peuvent trouver l’épreuve trop douce. Le recours aux accessoires ne doit intervenir que sur la proposition de l’un et l’acceptation de l’autre. En sexualité, rien ne compte plus que le partage. De fait, peu de femmes refusent d’être fessées par leur amant. Il faut dire que la position est souvent avantageuse pour celle qui doit se cambrer faisant ressortir tous ses atouts charnels. « J’en étais à onduler des hanches, afin de bien m’installer, et me suis retrouvée déculottée. Ainsi que j’ai dû le dire déjà, il y a toujours une sensation de grande excitation, d’exaltation à être mise nue, à percevoir l’ultime et si fragile vêtement ramené en tampon sous le pli des fesses. » (Jacques Serguine – La Culotte de Feuilles). Petite astuce : tendez votre fessier puis esquivez adroitement : la frustration soudaine de l’autre face à ces belles rotondités rebelles n’en rendra la punition que plus piquante. Le tout est de toujours jouer à égalité, et de réserver ces mains baladeuses à l’intimité. Ainsi en 1793, une assemblée de femmes flagella la révolutionnaire Théroigne de Méricourt en place publique. La pauvre en devint folle et fut internée 23 ans durant. Dieu merci la fessée amoureuse n’a rien à voir avec ce genre de malversation…

Contrairement à une idée largement répandue, la fessée n’est donc ni une déviance ni même un dérivé du SM mais s’apparente plutôt au fétichisme. Elle est, surtout, l’un des rares fantasmes où l’humour est terriblement présent. Et même s’il n’est pas évident d’associer les mots humour et douleur, si la régression et l’humiliation sont des sentiments difficiles à accepter, il n’en reste pas moins qu’elles agissent comme, sans mauvais jeu de mot, un vrai coup de fouet dans une sexualité de couple. De fait, la fessée est avant tout un joyeux délire, une si jolie… déculottée !

[gris]Fannette Duclair[/gris]

Biblio :

L’Anthologie de la fessée et de la flagelllation d’Alexandre Dupouy
La Culotte de feuilles de Jaques Serguine
Merci à « OldNick » maître fesseur (spankingmaster75) à Paris

Commentaires (2)

  • Anonyme

    je suis toujours très excitée à l’idée de "la fessée", à la lecture des textes y faisant allusion, mais n’ose pas en parler à mon ami qui un jour a fait devant moi allusion au fait qu’il était contre toute violence... j’aimerais trouver une solution pour lui faire comprendre, combien je trouve cette idée excitante, sans avoir à lui en parler directement, par crainte d’essuyer un refus...

  • réponse à Anonyme

    Une petite tape conviviale en privé sur les fesses, une allusion sur une bêtise qui mériterait bien une punition ou la lecture à haute de voix d’un livre : les possibilités pour engager le dialogue ne manquent pas.