L’orage

Le 12/04/2009

Soudain le tonnerre se mit à gronder. Tout l’après-midi Bénédicte avait redouté sa survenue : elle ne pouvait pas (à moins de passer pour une folle aux yeux de ses collègues) tout débrancher dans son bureau ! Mais voilà qu’elle arrivait chez elle, après avoir récupéré son bébé à la crèche, et elle se jeta d’emblée sur le disjoncteur pour tout mettre en sécurité dans sa maison.

Toute petite, déjà, Bénédicte craignait l’orage. Enfoncée sous ses draps elle passait alors des nuits entières sans dormir, prostrée, les mains sur ses oreilles. Le roulement rauque et profond qui, dehors, résonnait par intermittence dans le jardin battu par la pluie l’emplissait d’une terreur instinctive ; et elle s’imaginait, dans sa petite tête de fillette, que la méchante foudre allait s’introduire par la cheminée, tuer ses parents, puis, telle une bête de proie alléchée par le sang, la terrasser dans son lit. Par précaution, Bénédicte conservait donc toujours des dizaines de bougies chez elle. Elle les alluma avant de donner à manger à son bébé. Puis elle le coucha et mangea elle-même, son ingénieur de mari ne devant arriver que beaucoup plus tard. Elle l’attendit sur son lit en lisant un roman qu’elle rejetait d’un geste nerveux à chaque coup de tonnerre. Dans ces moments, son cœur se serrait comme dans un étau, et de sa bouche crispée s’exhalaient de longs soupirs.

La chaleur rendait l’atmosphère suffocante. Après s’être assurée que son enfant dormait bien, Bénédicte ôta les derniers vêtements qu’elle conservait encore. Les six bougies qui brûlaient sur les tables de chevet flanquant l’alcôve jetaient sur son corps mat une lueur fauve ; en vacillant sous le vent du ventilateur posé à côté d’elle, la lueur flattait ses formes féminines. Longuement Bénédicte se perdit dans la contemplation de ses cuisses, de ses mollets, qu’elle considérait d’ordinaire avec dédain et qui, dans le moment présent, lui parurent beaux et désirables. Tout empoissés par l’humidité, ses seins se bombaient sur son buste en sueur. Une étrange langueur amollissait sa chair. Les secousses du tonnerre vibraient sous sa peau. Et son sexe, buvant la moiteur estivale, se dilatait malgré son anxiété. Même, les frissons qui la parcouraient des pieds à la tête paraissaient contribuer à cette inexplicable excitation. Lentement sa main droite glissa de ses seins à sa corolle… Mais Bénédicte entendit la porte du garage s’ouvrir. Sa main s’arrêta. Elle reprit son livre.

Denis entra dans la chambre en riant. « C’est la messe de minuit ou quoi ? Tu nous fais une illumination ? » Lui n’avait jamais peur de rien. Toutefois ce bel ingénieur de trente-cinq ans connaissait son épouse : pas question de remettre l’électricité ! Il alla prendre sa douche sans plus de commentaire. Or, durant les cinq minutes que cette douche dura, Bénédicte vécut un véritable supplice. A chaque instant elle s’imaginait que la foudre, attirée par l’eau qui coulait à flots sur son chéri, allait s’abattre sur lui. Et quand, dans la demi-obscurité, elle vit réapparaître Denis nu, s’essuyant avec sa serviette de bain, ce fut comme si, après des années d’absence, elle le voyait revenir de la guerre. « Qu’est-ce que tu as, mon bébé ? » Les vrombissements du tonnerre résonnaient au loin comme une canonnade. Denis s’allongea tout contre Bénédicte. Puis, il lui effleura amoureusement la joue, le cou, passa un pouce tendre sur ses paupières gonflées par les larmes. Il susurrait « n’aie pas peur… », la serrait très fort, et ses bras possédaient une puissance si tendre, une solidité si rassurante, qu’elle aurait voulu y rester pour l’éternité…

Une bourrasque flagella tout à coup les volets clos. Dehors la pluie redoublait ; la grêle, désormais, mitraillait sans relâche les ardoises du toit. Vagabondant, la bouche de Denis quitta celle de la jeune femme pour visiter son petit nez, son joli front, ses oreilles soyeuses… Après quoi ce fut le tour de ses seins. Bénédicte observait, le dos sur un coussin, les lèvres de son mari suçoter ses tétons, sa langue les lécher…Et ses yeux bleus se fascinaient de la beauté virile qu’offrait le visage de son homme sous la clarté tremblante et safranée des bougies. Les cheveux bouclés de Denis se moiraient de reflets d’or, les lignes pures de sa figure saillaient comme celles d’une statue de bronze. Et puis il y avait aussi ses épaules, son dos, ses fesses… Jamais la jeune femme n’avait eu une telle vue. Elle amena ses petits pieds sur les deux dômes charnus que ses mains, trop éloignées, ne pouvaient pas palper, et qu’elle désirait. Le cul de Denis était très chaud, légèrement duveteux, encore un peu mouillé par l’eau de la douche… C’était si bon de le masser ainsi… Parallèlement, la succion des seins faisait son effet : son sexe s’imbibait sous un savoureux déluge de mouille, comme la terre, derrière les persiennes, s’innondait sous la pluie.

Denis enfonça sa tête entre les cuisses brûlantes. Maintenant sa langue allait et venait sur la vulve trempée, s’immisçait dans le volcan du vagin… Eperdue, affolée, Bénédicte se crispait sous ses caresses. A la vue de son homme plongé dans le plus intime de son être ses sens s’embrasaient. Les épaules de Denis surtout, si fortes, si larges, si douces, irritaient son désir. Elle aurait voulu les mordre, et, en compensation, elle les pressait, les pétrissait, y plantait ses ongles acérés, tandis que ses pieds amoureux parcouraient toujours avec délices les muscles du postérieur. Un nouveau coup de tonnerre retentit. La grêle frappaient à présent les ardoises du toit avec un bruit de vaisselle qui se brise. Denis suçait sa femme avec passion, et tout en lui jetant des regards complices, avec un doigt d’abord, puis deux, puis trois doigts, il la fouilla sans ménagement, l’éventra. Un fracas d’enfer déchira les airs. Elle défaillait. Il lui semblait tomber dans un abîme, dans un gouffre sans fin ouvert sous le lit par le tonnerre et où son corps allait s’anéantir. Elle haletait. Ses pieds s’agitaient convulsivement sur le galbe des fesses. Ses doigts se crispèrent dans les cheveux bouclés. Alors, l’orage se déchaîna, et sa jouissance de femme, longue et fiévreuse, se mêla aux secousses de la nature.

Si intense fut le plaisir de Bénédicte qu’un sommeil de plomb aussitôt lui succéda. Au petit matin, quand Bénédicte ouvrit les volets, le soleil d’août baignait de nouveau de sa lumière chaude les murs blancs de la maison. Denis dormait sur le ventre. Les courbes de son corps apparurent soudain, superbes, sous la clarté crue des premiers rayons. Une plénitude délicieuse habitait la jeune femme. Sans savoir pourquoi, elle se trouvait changée. Et, à son grand étonnement, depuis ce jour, elle n’eut plus jamais peur de l’orage.

Axelle Rose

Commentaires (3)

  • MichelAime

    Splendide ! Très bien écrit, avec de beaux mots, une belle description de cet instant et de ce contexte.
    Très érotique et absolument pas vulgaire.
    Une belle soirée d’orage !!!
    Bravo Axelle !

  • Pink Daisy

    Superbement bien écrit !!
    Bravo !!

  • SjyyBZAvKpERs

    This is what we need - an insight to make eeyvrone think