Interview de Tonie Marshall

Le 26/06/2009

On n’a plus besoin de présenter Tonie Marshall, réalisatrice du merveilleux Vénus Beauté Institut entre autres, et plébiscitée par le public depuis toujours. La nouveauté c’est qu’elle a accepté de réaliser avec brio un de nos X-Plicit Films pour la saison 2 de notre série X-Femmes. Elle nous raconte, entre deux prises, ses impressions sur cette aventure particulière...

Pourquoi avez-vous accepté de faire cet X-plicit film ?

La question du désir, ou de la représentation du désir au cinéma a toujours été pour moi une question très intéressante. Elle n’est pas obligatoirement axée vers l’érotisme ou la pornographie, mais elle nécessite en tout cas une dramaturgie et de la chair pour fonctionner.

Aviez-vous vu beaucoup de films porno ?

Oui et non, mais finalement assez régulièrement. Suffisamment en tout cas pour voir une évolution dans la représentation du sexe, de la place des femmes, de la place de la “fiction” dans les dits films proposés. Car, il me semble qu’il n’y a plus de films. Il y a de petites séquences vidéo, il n’y a plus de place pour donner à imaginer un rapport, quel qu’il soit, entre les protagonistes, ça ressemble plus à un documentaire sur des hardeurs. Il est intéressant de voir dans ces films l’instrumentalisation de l’homme. Car souvent la fille fait un numéro de séduction à la caméra, à celui qui filme, c’est d’ailleurs lui qui parle, qui l’incite, qui l’excite, et lorsque ce désir est en place, alors un corps d’homme vient remplacer le filmeur, c’est lui qui prend la fille, mais la fille échange toujours avec le filmeur, le type n’est qu’un sexe...

Quelle était votre vision de la pornographie ?

Je n’ai pas vraiment de vision mais... J’ai remarqué que la pornographie depuis les “Blue movies” a toujours filmé des corps de femmes, car c’est la base de l’excitation masculine. (Sauf pour les films gays plus récents). Et ces corps sont depuis une dizaine d’années très mal filmés, mal traités, certains plans donnent à voir des positions de quasi-torture, de soumission, d’humiliation. Je pense que ceux et celles qui le font ne s’en rendent même plus compte, car il y a une vraie camaraderie chez les hardeurs, donc on joue à la torture etc... Et le désir et le plaisir sont quasi-totalement absents des films. Certains films gays sont plus forts car il y a chez les protagonistes un goût du désir et du sexe qui est communicatif, même pour des hétéros.

Pensez-vous qu’il soit possible de changer fondamentalement les référents de la pornographie actuelle (plus durablement que la série X Femmes) ?

Non, il faudrait que les filles refusent toutes ces pratiques et qu’elles proposent d’autres choses, plus inventives, et pour ça il faut du temps et de la disponibilité, je crois que ces tournages ne laissent pas ce temps là...

Avez-vous changé d’état d’esprit sur le sexe à l’écran après avoir tourné " Le Beau Sexe" ?

Non... C’était un court métrage avec des contraintes et de la liberté, c’était amusant et intéressant d’y réfléchir, mais il n’ y a pas eu de “révélation” !

Comment avez-vous appréhendé la direction d’acteurs pendant les scènes de sexe ?

Comme toutes les scènes délicates où il faut que l’actrice ou l’acteur aille au delà de sa pudeur, il faut être proche, encadrer, rassurer, et puis “Inch Allah”, ça se passe ou ça ne se passe pas.

Avez-vous une anecdote de tournage ?

Sûrement et pourtant... Dès qu’on me pose cette question, je ne sais plus !

Votre film est basé sur l’histoire d’une femme qui se livre à corps perdu à un inconnu... Elle vacille sans cesse entre raison et pulsion... Pensez-vous que les femmes le font souvent ou est-ce juste un fantasme ?

Je crois que beaucoup de femmes “bandent avec les oreilles”, et que la puissance de leur imaginaire est sans limite. Après chacun fait ce qu’il veut et ça peut prendre toutes les formes. Je n’ai rien à prescrire...

Constatez-vous une évolution dans la sexualité des femmes ces dernières années ?

Dans l’intimité de chacune, je ne sais pas, dans l’état d’esprit ambiant oui, il y a une énorme régression. Les filles, c’est un cliché, se font traiter de putes, les garçons même très jeunes n’arrivent parfois plus à bander seul en face d’une fille, il leur faut de la compagnie, ils sont abreuvés d’images pornos simplistes et souvent infâmes, et ils ou elles le subissent... Il faut de la gaieté aussi dans le plaisir...

Quelles sont les scènes de sexe cultes qui vous ont marquée au cinéma ?

J’en oublie forcément mais... Angélique marquise des anges. Michelle Mercier Robert Hossein, sur un lit à baldaquin avec le poteau qui cache les fesses nues... Lio, Claude Brasseur dans Sale comme un Ange de Catherine Breillat, la jouissance sur un visage, puis un film avec Denis Quaid et Ellen Barkin, j’ai oublié le titre, ça se passe à la Nouvelle Orléans, elle est nulle, prude, il la séduit et c’est une bombe...

Pensez-vous que les désirs et la sexualité des femmes sont vraiment montrés au cinéma ?

Il y a des films parfois ou une scène, un échange, un regard, raconte magnifiquement ce désir, pour la sexualité, je trouve aussi bien pour les hommes que pour les femmes, que les scènes de sexe sont rarement autre chose qu’une esthétique et un montage... Mais je ne vois pas tout, je suis sûre que des cinéastes le font avec talent.

Cette expérience vous a-t-elle donné envie de faire un film sur le sexe (comme thème) ?

Non, il y a dans tous mes films des moments de désirs et c’est à chaque fois très intéressant de les traiter...

[gris]Propos recueillis par Constance de Médina[/gris]

Commentaires (1)

  • Gina

    quelle femme intelligente ! Ca fait plaisir à lire.