A quoi sert le baiser ?

Le 10/07/2023

De récentes études de chercheurs danois cherchent à dater le premier baiser, qui pourrait remonter à 4.500 ans et sans doute bien plus.
Des tablettes en argile de Mésopotamie, gravées il y a 4.500 ans, décrivent un dialogue érotique, mais ce sont, semble-t-il, les bactéries qui valent mieux que les longs discours : la coccobacille buccal Methanobrevibacter oralis a été retrouvée sur des dents d’hommes de Néandertal, permettant de supposer que le baiser aurait au moins 100.000 ans.
Mais ce qui interroge le plus les scientifiques, c’est l’utilité du baiser.

Est-ce parce qu’il entraine une cascade de réactions biologiques : augmentation des niveaux de neurotransmetteurs tels que la dopamine (qui joue un rôle dans l’envie et le désir), la sérotonine (qui change l’humeur et peut aussi contribuer à déclencher des pensées obsessionnelles à l’égard d’un partenaire), et de l’ocytocine, dite l’hormone de l’amour ?

Est-ce que parce que cela permet de "sentir" son partenaire dans tous les sens du terme, grâce aux échanges d’informations qui ont lieu (les premiers textes sacrés hindous, tels que l’Atharvaveda, parlent de "sentir avec les lèvres") ? Les signaux chimiques permettent d’obtenir des informations et encouragent à pousser plus loin le rapport ou au contraire à mettre fin à la relation (59% des hommes et 66 % des femmes disent avoir mis fin à une relation naissante à cause d’un mauvais baiser). Gordon Gallup, de l’Université d’Albanie, à New York, racontait que “S’embrasser implique un échange d’informations très compliqué - des informations olfactives, des informations tactiles et des types d’ajustements posturaux - qui peuvent puiser dans des mécanismes évolués et inconscients sous-jacents et qui permettent aux gens de déterminer leur degré d’incompatibilité génétique". L’un des avantages du baiser est donc l’échange de nombreuses données, permettant d’évaluer inconsciemment un partenaire potentiel.

Est-ce encore parce que rouler une pelle permet la transmission de virus et de bactéries ? Dans une étude parue dans la revue Medical Hypotheses, le chercheur Colin Hendrie décrit la façon dont certains échanges de microbes, via la salive, renforcent le système immunitaire de potentiels enfants à naitre.

Mais la question la plus intrigante c’est peut-être que, bien qu’utile, le baiser ne se retrouve pas dans toutes les cultures :

Alors que les chimpanzés et les bonobos s’embrassent, y compris avec la bouche ouverte et la langue, l’anthropologue William Jankwiak, note que sur 168 cultures dans le monde, seules 77 le pratiquent, soit 46%. L’explication tiendrait aux vêtements : plus on en porte, plus la fréquence des baisers est importante, et moins on en porte, plus la fréquence des baisers est faible. Les tribus de chasseurs-cueilleurs qui sont une fenêtre sur notre passé lointain, ne s’embrassent pas, à l’exception de communautés de la région circumarctique (les Inuits, par exemple) : vêtues de fourrures épaisses de la tête aux pieds, le visage et les lèvres sont les seules parties du corps qu’il est possible d’explorer.

Pour William Jankowiak, professeur à l’Université de Nevada, à Las Vegas, il existe également un lien entre baisers et complexité sociale. "Le baiser est apparu avec l’augmentation du temps de loisir et peut correspondre à un érotisme retardé. Il est aussi possible qu’au fur et à mesure que les sociétés se stratifient en différentes couches et classes sociales, leur comportement se stratifie également. S’il y a des aristocrates et des paysans, il peut y avoir des baisers polis sur la joue et des bouche-à-bouche plus intimes selon les classes ou les circonstances." Pour l’anthropologue, "Mon intuition est que le baiser est apparu ou a été découvert au sein de l’élite de sociétés complexes (hiérarchiques, systèmes de marché avec écriture) et qu’il s’est diffusé vers l’extérieur". Selon lui, la pratique du baiser correspondait à "la recherche du plaisir par l’élite".
Cela entraine plus de questions que cela n’apporte de réponses : est-il né en un seul endroit ? A-t-il de nombreuses origines indépendantes ? Les chimpanzés et les bonobos sont ont-ils également un système de classes ?
L’écrivain Edmond Rostand avait sans doute raison, un baiser " C’est un secret qui prend la bouche pour oreille. »