Quand la France débordait d’imagination érotique

Le 24/04/2018

Pour celles qui se souviennent du film des frères Cohen, « Burn after reading », sorti en 2008, George Clooney y jouait le rôle de Harry Pfarrer, un marshall fédéral paranoïaque, n’ayant jamais eu recours à son arme, ayant pour hobby la construction de machines sexuelles dans son garage. Il n’est pas inhabituel, dans les campagnes d’Amérique du Nord, que des hommes aient pour passe-temps du dimanche la construction de machines souvent très sophistiquées, où des moteurs pulsent des vibromasseurs pour que les femmes n’aient plus qu’à se laisser faire par la machine.
L’imagination étant sans limites, tout existe ou presque, du tabouret où la femme assise sur un godemiché voit un piston remplacer avantageusement la main dans son mouvement de va-et-vient, jusqu’à de longues tables où des centaines de langues en caoutchouc montées sur un rail central pratiquent ensemble un cunnilingus qui, en images au moins, semble parfaitement bien exécuté. Ces machines sont pour quelques unes si grandes qu’elles peuvent nécessiter qu’une pièce entière soit réservée à cet effet. Les plus fortunés peuvent les acheter toutes prêtes chez des revendeurs spécialisés, mais elles sont si chères (certaines se facturent en milliers de dollars), qu’un bricoleur va préférer recourir à son talent.
A chaque période de l’histoire son goût des ardeurs mécaniques.

Au XVIIIe siècle, il fallait que les godemichés soient de taille extravagante (jusqu’à 34 cm), souvent en argent, finement ciselés ici ou là pour plus de sensations, avec un mécanisme à l’intérieur permettant d’envoyer un liquide chaud (le plus souvent du lait) qui imitait le sperme au moment voulu. Certains modèles étaient doubles, d’autres pouvaient être portés avec une ceinture, pour des réjouissances saphiques.
Il existait également des escarpolettes prévues pour la bagatelle (certaines avaient un balancier traditionnel pour accompagner le mouvement de la pénétration, d’autres montaient et descendaient sur le ou la partenaire par un système de cordes et de poulies).
Le rouet connaissait un deuxième usage lorsqu’il était agrémenté de godemichés. Les lits pouvaient disposer de coussins spéciaux rehaussant certaines parties de l’anatomie féminine, avoir aussi des mouvements de balancier ou enfin des étriers pour soulever les pieds.
Entre le XVIe et le XVIIIe siècle, il semble que la France ait connu la même frénésie d’inventions érotiques que les États-Unis aujourd’hui. Sans doute était-ce dû au fait que la masturbation à deux était encore l’une des seules pratiques sexuelles non fécondantes, avec le « coïtus interompus » apparu sous Louis XIV, et diffusé à l’échelle nationale à partir de la Révolution française. Hélas, au XIXe siècle, l’heure n’était plus à la gaudriole et la police du Second Empire procéda à de nombreuses saisies de godemichés, frein notable au développement de cette petite industrie.

Ronsard, en son temps, s’était plaint de ce que ces instruments éloignaient les femmes des hommes. Rabelais pensait, lui, que les femmes étaient insatiables et qu’il fallait au moins cela pour venir à bout de leurs ardeurs.
Ce qui est étonnant n’est pas tant la différence de points de vue des hommes (chacun ne pouvant exprimer autre chose que ses propres doutes et fragilités), mais plutôt qu’au XXIe siècle encore godemichés et autres sextoys soient encore largement une affaire d’hommes, qu’il s’agisse de les concevoir, de les fabriquer ou de les vendre. Le robot sexuel pour femmes n’échappe pas à la règle, ce sont des hommes qui les imaginent pour nous.
N’aurions nous pas envie de prendre notre plaisir en main ?