L’uniforme du fantasme

Le 10/07/2009

Les gays ne sont pas les seuls à fantasmer sur les motards ou les marins, façon YMCA. Si l’on pose la question aux hommes hétéro, ils citent en majorité l’infirmière. Quant aux femmes, elles plébiscitent le pompier, qui avec sa lance à incendie et sa grande échelle rimerait avec 7e ciel. Ainsi l’uniforme fait mouche, chez les hommes comme chez les femmes. Passage en revue de cette garde robe excitante, appartenant à des corps de métier pourtant bien sérieux...

L’uniforme pour qui ?

« Qui revêt un uniforme ? écrit Michel Serres (Statues, Le second livre des fondations). Le prêtre porte soutane (…), le rabin barbe et chapeau, et voilà pour le sacré ; l’amiral se pare d’étoiles et de galons qu’il étale comme le soldat ses guêtres (…) ; le médecin a ôté le bonnet carré mais enfile la blouse blanche aseptique… » L’uniforme en français apparaît en 1726, sous la forme habit-uniforme : « Costume dont la forme, le tissu, la couleur, sont définis par un règlement pour tous les membres d’une même unité militaire avec des différences selon les hiérarchies et les fonctions. » Ce vêtement marque l’appartenance d’un individu à un maître ou à un groupe, comme l’indique l’étymologie de la livrée (qui dit bien qu’on se livre à). Par extension, il est devenu l’habit déterminé, obligatoire pour un groupe professionnel. On porte l’uniforme à la fois pour s’identifier et se démarquer dans la masse mais au sein du groupe auquel il se réfère, il neutralise les singularités. Certains uniformes sont hélas imposés pour marginaliser, exclure ou cacher. On pense à l’uniforme du prisonnier, à la burka qui est à elle toute seule une geôle de tissu, ou au vêtement sombre et unisexe imposé par Mao à son milliard de sujets.

Un peu d’histoire

L’uniforme apparaît dans l’Antiquité, habillant les armées grecques, égyptiennes, perses, etc. Toutes les religions l’ont ensuite adopté, pour que ses membres puissent se reconnaître dans la foule, à l’instar des moines tibétains qui ont d’abord choisi leur robe flamboyante pour se distinguer des bouddhistes chinois, en gris, et des religieux indiens, vêtus de blanc. Et c’est par souci de discipline quasi-militaire que Napoléon imposa l’uniforme aux lycéens, mais aussi avec une volonté de masquer les différences sociales. « Aujourd’hui, tandis que, dans les armées, le bel uniforme à boutons et galons dorés s’efface derrière la tenue de combat, le réemploi des uniformes et de leurs ornements par les modes d’adolescents souvent antimilitaristes témoignent d’une sorte de fascination pour le signe vestimentaire d’appartenance - et certes pas pour l’uniformité. » (Alain Rey, Dictionnaire culturel en langue française, Le Robert. ) Ainsi, la simplification fonctionnelle de certains vêtements de la vie « civile » a créé de nouveaux uniformes : le col bleu de l’ouvrier, opposé à celui, blanc, du bureaucrate ; et sans doute faut-il voir des uniformes dans certaines panoplies enfilées à l’identique par des groupes entiers comme les jeunes membres agréés gothic, tektonic ou ghetto youth.

Éros anonyme

L’uniforme représente souvent l’autorité, on le verra, mais toujours et d’abord l’anonymat, parfait prétexte au fantasme. La femme ou l’homme qui se cache sous l’uniforme n’est « personne ». Avec lui ou elle, pas d’engagement, zéro culpabilité. On ne fantasme pas librement sur le collègue ou le beau-frère, mais sur UN pompier, UNE infirmière... Parce que c’est un fantasme admis et admissible, facile à s’approprier sans trop réveiller ses névroses. Il en va de même avec la prostituée, qui n’est pas tant un individu qu’un prestataire de services, dont elle affiche par sa tenue le libellé. Les porteurs d’uniformes, d’office singularisés, imposent enfin une sorte de distance avec le reste de la société ; or l’inaccessible étant le propre du fantasme…

Les uniformes de dominants

Les variantes possibles : policier, militaire en tout genre, pilote, juge, contractuelle. Incarnant une autorité, ces costumes à la coupe très structurée et aux coloris souvent sombres intiment la soumission, renvoient à la force, la rigidité, parfois à la cruauté, entre la morale du « droit dans ses bottes » et l’abus de pouvoir à portée de matraque. Ainsi, Chantal : « Dans mon fantasme, je roule beaucoup trop vite, grisée par la vitesse. Je me fais arrêter par un flic hyper viril. Il a l’air très sévère et me rappelle vertement le code de la route tout en louchant sur mes seins. Je suis super excitée et je lui propose une gâterie en échange de la contravention qui me pend au nez. Bien sûr, il est d’accord... » Agnès Giard (dans son blog Les 400 culs) s’est penchée sur l’image de la femme-flic, « qui représente la loi. Lui faire l’amour, c’est baiser l’autorité : une sacrée revanche pour les hommes en mal d’interdit. Sans compter qu’avec la flic, ils ont affaire à forte partie : elle possède un revolver, ce qui la rend plutôt dangereuse. C’est une femme à phallus, masculinisée (…) Munie de menottes, cette troublante dominante évoque des mises en scène carcérales. Elle réveille chez l’homme une excitation sexuelle appelée viragophilie : l’amour des Virago, c’est à dire des femmes qui ont le courage d’un homme. » Christophe Bier nous rappelle l’existence des films dits « svastika pornos », comme Gretchen sans uniforme de Dietrich Erwin ou Salon Kitty de Tinto Brass, qui mélangent uniformes SS et érotisme. La figure mythique étant Ilsa, que l’on retrouve chez Jess Franco, cinéaste espagnol, adorant les films de prisons de femmes avec uniformes, WIP (Women In Prison), propices aux scènes de lesbianisme, combats de femmes, sado-masochisme, etc.

Les atours de la soumission.

Standards de l’érotisme, les uniformes de soubrette, de secrétaire et d’écolière, à base de jupettes strictes et de chemisiers évocateurs n’ont pas fini de susciter le désir. Sous ces vêtements sages et sobres, on imagine des créatures en position d’infériorité, dociles et farouches à la fois. La collégienne est un cas à part, incarnation du fantasme de la sainte nitouche, de la (fausse) ingénue. « Avec le développement de la culture jeune, la création de nouveaux besoins, faux ou réels, peu importe, puisque la société du spectacle et de la marchandise lui construit un piédestal, on voit se multiplier les images de Lolita dans la mode, dans la chanson, au cinéma », explique Patrice Lamare, auteur du livre Les Lolitas. Au Japon, où les geisha arborent le plus élégant des uniformes et où le phénomène du « cosplay » (pratique de se déguiser avec les costumes de héros de fiction) est très répandu, la panoplie de l’écolière est un classique indétrônable. On peut se poser la question de la pédophilie, tout en rappelant que cet uniforme est souvent porté par des femmes ayant largement dépassé l’âge du baccalauréat.

La transgression des codes

Si l’étudiante est affriolante, le professeur n’est pas moins séduisant, malgré son débardeur en laine moutarde, son pantalon de velours, et ses lunettes épaisses (pardon pour cette généralité, mais admettez que certains cultivent le style poussiéreux !) Comme avec la femme-flic, l’uniforme peut être l’occasion d’un jeu transgressif. Ainsi Damien avoue fantasmer sur la mère d’un ami, une grande bourgeoise avec collier de perles, serre-tête et jupe plissée : « Ce côté prude et sévère m’excite beaucoup plus qu’un décolleté aguicheur. J’ai envie de la bousculer, de la faire sortir de son rang. De l’humilier et de la combler en même temps, en fait de la révéler à sa nature de bête sexuelle ! » Paroxysme de la profanation : la nonne et le curé. Agnès Giard explique : « Contrainte à la chasteté, la religieuse est le symbole d’un tabou. En termes techniques, on appelle ça l’hiérophilie. C’est l’attirance pour les choses sacrées et, plus précisément, pour le sacrilège. » Parce qu’on les contraint au péché, et parce que leur tenue ne dévoile presque rien de leur corps, religieux et religieuses, toutes confessions confondues, sont paradoxalement des figures très présentes dans l’imaginaire érotique, depuis le Marquis de Sade jusqu’à Madonna, qui dans son clip Like a prayer est « touchée » par la grâce d’un prêtre noir.

Les uniformes sécurisant

C’est ici que nous retrouvons notre pompier et notre infirmière, auxquels nous pouvons adjoindre le médecin, l’hôtesse de l’air et la nounou. Protecteurs, rassurants, ces uniformes jouent sur la fibre maternelle (et son pendant masculin), dotés d’une autorité bienveillante. Ils sont ceux qui nous sauvent, nous soignent, nous chouchoutent. Ils nous prennent en charge et là encore nous enlèvent la responsabilité (et donc la culpabilité) de notre plaisir. Le pompier, champion toute catégorie du fantasme de l’uniforme au féminin, incarne la version moderne et sexuelle du prince charmant. Le héros paré de toutes les vertus qui sauve la veuve et l’orphelin. Il est prêt à prendre tous les risques pour notre « bien-être » physique. Il est automatiquement jeune et fort, cette musculature parfaite faisant, pour le coup, partie de l’uniforme ! « Le médecin est la voix du père. Il ordonne, tranche, décide et parfois rassure », explique le sophro-analyste Alain Héril (Dictionnaire des fantasmes). Dans les intervalles de son passage, règne la loi de l’infirmière, la mère érotisée. « Elle panse, cajole, rabroue. Parfois, elle touche aussi. Elle nous donne le bain, nous aide à nous rhabiller. »

Passage à l’acte ou jeu de couple

Justement, dès le plus jeune âge, on s’initie à la sexualité en jouant au docteur. Pour Rusla Vial, psychanalyste, il y a chez beaucoup de personnes une nécessité d’élire un objet de prédilection pour que l’émotion sensuelle apparaisse : la chaussure, le sous-vêtement, l’uniforme. Ce qui fait fantasmer, ce n’est pas vraiment la personne, mais le fait qu’elle puisse porter ou revêtir l’objet en question qui lui donne une aura ou une autorité particulière. Une forme courante de fétichisme que l’on peut choisir de recréer dans son couple, via le déguisement. Le rapport sexuel devient alors jeu de rôles. Il est d’ailleurs plus facile pour certain(e)s de demander à son partenaire de l’attacher par exemple, lorsque celui-ci est déguisé en policier(e) et arbore une belle paire de menottes. Mais on peut aussi choisir de vivre pleinement ce fantasme. Pour information, le bal des pompiers a lieu le 13 juillet !

[gris]Aurélie Galois[/gris]

Commentaires (2)

  • oliamot

    J’y cours !!!

  • UbvGQJeTTUW

    dit :Elles peuvent l’eatre mais tre8s frehnnamect les proble8mes de se9curite9 existent de9je0 en intra avec les mots de passe date de naissance et ceux inscrits sur les post-it.De plus cela ne re8gle pas le proble8me et provoque le risque de conside9rer que tous ces nouveaux services sont dangereux et que ceux qui les utilisent le deviennent aussi finalement.Bref, e7a n’incite pas vraiment e0 l’innovation et cela ne fait que conforter les immobilistes.