Je te mange, donc je t’aime ?

Le 29/03/2011

On mange un « croque-monsieur » ou une « religieuse », on appelle son conjoint « chou » ou « lapin », on « consomme » son mariage, on passe à la « casserole » : le langage de l’amour montre à quel point la chair fait bon ménage avec la bonne chère. Au point que dans un certain nombre de langues on utilise le même mot.
Julien Picquart, journaliste spécialisé dans la sexualité, vient de sortir un ouvrage qui pose la question plus franchement : notre désir est-il cannibale ?
Si l’idée peut être à priori saugrenue, l’auteur marque un point d’entrée : le Christ dit « Prenez, mangez, ceci est mon corps. Buvez-en tous, car ceci est mon sang ». On trouverait donc sa force à se nourrir du corps de l’autre. La première transgression, Eve mangeant une pomme, lie également la nourriture à la sexualité.
Les vieilles légendes, la littérature, le cinéma, se sont emparés maintes fois de l’histoire du mari trompé qui fait manger à son épouse le coeur de l’amant. La méchante reine mange le foie et les poumons de Blanche-Neige. Issei Sagawa, le japonais cannibale qui défrayait la chronique dans les années 80, mangea sa bien-aimée et déclara à son procès « j’éprouve son existence dans mon corps et c’est un grand plaisir ». Pour Picquart, c’est bien la preuve que « au centre de la relation amoureuse, il n’y a peut-être pas le coeur, mais la bouche comme un lieu de pouvoir, le terrain d’un rapport de forces où les partenaires, en se mangeant, s’aiment et se haïssent, se jalousent et se tuent, se possèdent et se vengent ». A travers une série d’analyses des célèbres cas de cannibalisme, des métaphores de la littérature et du cinéma, l’auteur pousse plus loin les clés de la psychanalyse, et avec elle l’idée que désir et appétit seraient une seule et même pulsion.

Alors, manger, ou faire l’amour ?

Julien Picquart « Notre désir cannibale, du mythe aux faits divers », Éditions La Musardine

Commentaires (1)

  • Patrice

    A table...