Est-il si singulier d’être singulière ?

Le 30/08/2011

La rentrée annonce, comme à chaque saison, le renouveau des « must do » et des « must have » de la presse féminine, ainsi que la désignation, confirmation, infirmation de qui seront les insupportablement nommées « it girls ». Si ce type d’indications nous livre codes et clés pour trouver sa place au sein du groupe, cet instinct grégaire nous façonne et nous pousse à adopter un même comportement.
Mais poussant trop loin l’instinct, on risque de croiser Panurge, célèbre personnage de François Rabelais, qui précipita un mouton dans la mer afin que l’intégralité du troupeau de son ennemi suive, jusqu’à l’ennemi lui-même, accroché au dernier mouton.
Poussant l’exemple jusqu’à la caricature extrême, imaginons un instant que nous suivions l’ensemble des recommandations qui nous sont faites : habillées toutes ensemble d’une même sélections de « it » vêtements, coiffées toutes ensemble de la coiffure du moment, French manucurées dans les mêmes couleurs « flashy », retouchées par les mêmes chirurgiens pour une poitrine homogénéisée à 95C, pratiquant toutes de la même façon l’art de la fellation, ayant toutes un goût identique pour la levrette, et pratiquant une même sélection de paraphilies, il est vraisemblable que les hommes, qui ont par nature du mal à résister à la tentation, passerons avec allégresse de l’une à l’autre comme un gourmand devant un panier de fraises, ou que la monotonie d’un même plat sans cesse re-servi l’encourage à revoir sa sexualité autrement, c’est à dire sans nous.
Et comment leur en vouloir ?
Nous-mêmes, du plus loin que je puisse me souvenir, faisons confidences ici et là de toutes ces petites singularités qui ne cessent de nous émouvoir chez les hommes. Ongles rongés, rides et pattes d’oies exquises, chemise élimée, caresses maladroites, forme du sexe ou des testicules, goût pour la sodomie dans le parking, il n’est rien chez la femme amoureuse qui soit autre qu’enthousiasme, attendrissement et besoin impérieux à l’endroit où, précisément, les imperfections de l’homme le rende singulier, différent, autre et par conséquent terriblement désirable.
Ne pourrait-on pas aller chercher la parité ici aussi ?
Est-il absurde de laisser tomber toute obligation de se conformer « à ce point-là » aux injonctions de la saison pour afficher nos différences, notre singularité et cela jusqu’au lit ?
Ainsi, nous serions nous nous-mêmes en étant sûre de ne pas être une autre, impossible à confondre, distincte dans la foule et désirée pour nos particularismes. D’un point de vue pratique, nous serions allégées du temps perdu à courir d’un magasin à un chirurgien dans la course effrénée de la séduction pour choisir de se laisser tomber dans un fauteuil, admirer ce que les autres ont à nous dévoiler, puis décider à notre guise de l’appétit que nous avons pour eux, envies de caresses, jeux de langues, pénétrations, et jouissances souhaitées (ou pas), pour passer ainsi du rôle passif de désirée à celui, actif, de désirante.
Voilà ce qui s’appellerait une rentrée active.

[gris]Photo : © Vanessa Beecroft, Kunsthalle Wien 2001 [/gris]

Commentaires (1)

  • WohrtnfxLcVFdR

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