Arthur H : la mélodie de l’Éros

Le 13/04/2014

Le chanteur Arthur H sort ces jours-ci un album inhabituel, "L’or d’Éros", où il lit un ensemble de textes érotiques de nos plus grands auteurs, dans la lignée de ce que défend SecondSexe.com depuis sa création ... L’occasion pour nous de s’entretenir avec avec lui des effets de la mélodie des mots sur le désir sexuel.

- D’où est venue l’idée de ce disque ? Etait-ce à partir d’une lecture ? D’un besoin érotique ?
La musique est un moyen de faire l’amour comme un autre, les mots sont un moyen de faire l’amour comme un autre, alors j’ai envie de raconter des histoires de sexe en musique !

- Pourquoi n’avez vous pas participé à l’écriture musicale ?
Pour moi, Jean-Louis Trintignant ou Gérard Depardieu sont des grands musiciens, je lis les textes comme si c’était de la musique, il y a une mélodie très faible mais beaucoup de tempo, de phrasé, de timbre, de silence, j’apprends à parler en musique.

- Vous dites que l’intention générale est cinématographique. C’est la relation entre la narration d’une histoire et la capacité de la musique à donner toutes les émotions de cette narration qui vous fait dire cela ? Autre ? Le cinéma pornographique a-t-il sa place ici ?
Je crois qu’on vit uniquement dans l’imaginaire, mais c’est un imaginaire qui peut faire mal, mordre ou brûler mais aussi caresser et détendre. Le cinéma suggère ou impose des images, la littérature et la poésie aussi, la musique de façon plus abstraite et plus libre aussi. Donc tout est cinéma ! Sans exception. Le cinéma pornographique est une illusion d’optique car le sexe est invisible, infilmable : c’est une expérience intérieure. On ne voit que des propositions imaginaires de fantasme qui peuvent éventuellement rentrer en résonance avec nos propres fantasmes.

- De manière générale, la musique pourrait-elle être pornographique, au même titre que le texte ou les images ?
La musique est certainement l’art le plus proche du mystère du sexe, c’est une aide précieuse et fidèle pour les amants de tout bord, la musique c’est le Viagra authentique.

- Quel est le premier livre érotique que vous avez lu et qui vous a ému, et quel est le premier texte que vous avez eu envie de lire dans ce projet ? Pourquoi ?
Mon premier livre érotique volé dans la bibliothèque familiale c’est Sexus d’Henry Miller, Anais Nin aussi, les amoureux diaboliques ! J’aime beaucoup Bataille, c’est le premier texte choisi, je le trouve extrêmement courageux d’explorer les limites, même si je ne le suis pas toujours dans les gouffres de la perversion !

- Tous les auteurs sélectionnés datent de la première partie du XXe siècle, beaucoup sont surréalistes, y a-t-il une raison particulière à cela ? Pourquoi avez-vous fait l’impasse sur les grands auteurs du XVIIIe et les contemporains, par exemple ?
On cherchait une langue musicale et libre et imagée, ça colle bien avec certains auteurs surréalistes. Aujourd’hui la littérature sexuelle est presque uniquement clinique, efficace, hard core, trash. La poésie très cérébrale et abstraite. C’est intéressant mais c’est impossible à mettre en musique ! j’ai envie de beauté aussi, Bataille est trash mais poétique et beau.

- Comment souhaitez-vous/imaginez-vous que vos auditeurs écoutent ce disque ? En faisant l’amour, en rêvant à le faire, en faisant le ménage, dans le métro ?
C’est un disque un peu secret. On peut l’écouter dans des conditions apparemment normales, en cachant aux autres que c’est un truc érotique. Dans le métro, ne rien montrer de son excitation c’est bien. En s’endormant pour se programmer des rêves sexuels, en le faisant écouter en toute innocence perverse à quelqu’un qu‘on désire, toutes les écoutes imaginables sont bienvenues.

- Avez-vous des intentions avec ce disque, comme par exemple de vouloir entrainer le public dans une approche plus libre de la sexualité, par exemple ?
Je n’ai pas d’intention sinon celle de célébrer la beauté du sexe, comme une matière artistique toujours nouvelle et fraîche et régénératrice.

- Que pensez-vous de la sexualité dans notre société actuelle ? D’un côté on en parle et on la montre partout, de l’autre, les moeurs se sont considérablement rétrécies depuis les années 80. La montre-t-on pour cacher le vide ?
Je crois qu’on ne peut pas savoir si on fait l’amour mieux ou moins bien, plus ou moins qu’avant. Tout est fait pour nous faire croire qu’on peut connaître et comprendre notre intimité. La société nous hypnotise en nous faisant avaler qu’à travers la médecine, le sexe, la psychologie, la psychanalyse, la psychiatrie, la science, elle a une sorte de maîtrise sur nous ! C’est complètement faux, le sexe restera toujours un mystère intime et totalement intègre malgré la volonté de prise de pouvoir ! Il y a une part intrinsèquement farouche en nous qui résiste à toute dépossession. Quel meilleur outil de domination subtile que de faire croire qu’on peut avoir accès à l’intimité ! Ca marche aussi pour les réseaux sociaux, les écoutes des services secrets, etc …

- Comment envisagez-vous la scène ? Allez-vous guetter les réactions du public, le solliciter, ou au contraire imaginer une bulle qui préserverait votre intimité ?
Pour la scène, je ne sais pas. C’est un moment de trouble programmé, de malaise potentiel aussi, c’est ça qui est nouveau, ça va tendre tout le monde. Qu’est-ce qu’on va faire de cette énergie ? Les femmes vont-elles défaillir ? les maris vont ils nous attendre à l’hôtel pour nous frapper ? Je ne sais pas …

- Lou Doillon est présente sur un texte en 2 parties de André Breton et Paul Eluard ? Sa présence est-elle due aux textes d’Apollinaire qu’elle avait lu au théâtre ?
Lou Doillon est comédienne et musicienne, elle sait que les mots c’est de la musique, c’était donc la personne idéale.

- Qu’attendiez-vous d’elle et vous l’a-t-elle donné ?
Elle nous a apporté une présence féminine indispensable. Sans elle c’était un peu incestueux entre Nicolas et moi !
- Etes-vous conscient/d’accord que, ces dernières années, les chanteurs ont plus fait pour la libération sexuelle des gens que le mouvement de la libération sexuelle elle-même ?
Oui je suis d’accord, la musique noire américaine a été la grande révolution spirituelle de notre époque. Cela a rendu à l’énergie sexuelle sa joie et sa liberté et sa puissance, toutes les contraintes religieuses ont implosées, ce n’est que le début, on doit réinventer toutes les règles, même inventer ses propres règles sur le moment. La politique et la religion suivent laborieusement très loin derrière.

- Peut-on faire un parallèle entre le fait qu’on parle plus aujourd’hui de littérature érotique féminine et de chanteuses qui jouent des codes érotiques, comme si les hommes avaient cessé de séduire ? Et dans ce cas, est-ce votre part féminine qui s’exprime dans ce disque ?
Même si les femmes sont plus libres et aventureuses en général, je ne ferais plus trop de distinction. On peut être, intérieurement, homme et femme à volonté, c’est une nouvelle liberté à prendre même si des énergies archaïques profondes nous ramènent très facilement au mâle / femelle de base ! L’homme est toujours en retard sur la femme, il a donc plus de marge de progression !

- Comment comprenez-vous que les chanteurs anglo-saxons, qui viennent de pays prudes, soient souvent beaucoup plus crus, explicites, que les chanteurs français ?
Je crois que la société anglo saxonne est en général beaucoup plus sûre d’elle, elle a donc plus de facilités à s’explorer, à s’amuser avec les limites dans tous les domaines. Je trouve que les chanteurs français sont trop timorés, ils reflètent la société française. Mais la vraie tradition française est fondamentalement aventureuse et sensuelle, et même dionysiaque.

- Y a-t-il eu un / des chanteurs, ou une chanson qui un jour a particulièrement éveillé ou chamboulé votre sexualité ?
Oui, mais c’est atroce ! Line Renaud descendant des grands escaliers, à la télé chez mes grands-parents, ma première expérience musicale érotique. Dernièrement c’est plus des trucs d’électro hypnotiques que Line Renaud.

- Pensez-vous un jour écrire des chansons franchement explicites ou bien cet album est-il une parenthèse dans ce que vous avez à dire, à exprimer ?
Toute chanson est implicitement sexuelle. Mais je ne vois pas l’intérêt de décrire les choses directement, c’est beaucoup plus riche et stimulant de cacher. Toute image est potentiellement sexuelle sinon ça ne marche pas !

L’or d’Éros
Arthur H et Nicolas Repac
Sorti chez Naïve le 31 mars 2014.

Textes lus :
L’arbre - Pierre Louys (02:06)
Lou mon étoile - Guillaume Apollinaire (07:31)
L’amour - André Breton et Paul Eluard (03:54 ) (Extrait, part 1) - avec Lou Doillon
L’œil du chat - Georges Bataille (04:03)
1928 – Paul Nougé (01:16)
Roman d’amour - Ghérasim Lucas (06:24)
Lettre à Nora 2 décembre 1909 - James Joyce (05:50)
L’amour - André Breton et Paul Eluard (04:56) (Extrait, part 2) - avec Lou Doillon
Mademoiselle mon cœur - Georges Bataille (03:08)
Prendre corps - Ghérasim Lucas (07:05)

En concert dans toute la France du 20 mars au 21 juillet, dont les 20 et 21 mai 2014 au Centquatre, PARIS.
Lu par Arthur H, Musique de Nicolas REPAC, réservez vos places ici :
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